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administratives, surtout l’assiette et la perception des impôts, furent, non moins que la jurisprudence, l’objet de ses études. Il se montra, dès sa jeunesse, et fut toute sa vie un excellent homme d’affaires. Ses premiers essais parurent dans une feuille publiée par Schwabe sous ce titre : Amusements de l’esprit et de l’imagination (1), et ils forment le premier volume de ses satyres. Verve, gaieté, connaissance du monde et des travers de la société, le sentiment des convenances, et une concision qui contrastait avec la prolixité et le style verbeux des auteurs de l’époque, le signalèrent aux hommes de goût comme un des écrivains appelés à tirer la littérature allemande de l’état de nullité ou d’enfance où elle était plongée. Mécontents du recueil de Schwabe, et de l’influence que Gottsched exerçait sur le choix des morceaux qui y étaient admis, quelques jeunes littérateurs, parmi lesquels on remarque Cramer, Jean Élie et Jean-Adolphe Schlegel (oncle et père de MM. Aug. Guill. et Fréd. Schlegel}, Ebert, Zachariae, Klopstock, etc., se réuniront pour encourager l’entreprise d’un libraire de Bremen, qui leur avait offert de publier tous les mois un cahier consacré ans productions de leur plume. C’est dans cet ouvrage périodique (2), que parurent les premiers écrits de plusieurs des hommes qui contribuèrent le plus à créer la poésie et à perfectionner la langue allemande. Rabener vit ses essais accueillis de ses collaborateurs et du public. Ces travaux littéraires ne l’empêchaient pas de rendre à la société des services qui semblent, à la première vue, inconciliables avec cette indépendance d’esprit et cette verve d’inspiration qui sont les premières conditions du talent poétique et les garants de ses succès. Dès l’an 1741, nommé à une place de réviseur des contributions du cercle de Leipsick, il se livre, jusque vers sa mort, arrivée le 22 mars 1771, au détail minutieux et aride de diverses fonctions financières, à Leipsick et à Dresde, avec une assiduité, une probité et une délicatesse exemplaires. Entre les diverses productions de sa plume, on doit remarquer : le Testament de Swift, le Poisson d’avril, le Dictionnaire allemand, la Chronique du hameau de Querlequitsch, la Liste chronologique de Nicolas Klim, les Proverbes d’Anton Pansa, dédiés à l’âne du grand Sancho Pansa ; les morceaux intitulés Un poëte est-il taillable ? Preuves que la médisance n’a sa source ni dans l’orgueil ni dans la méchanceté, mais dans un véritable amour de nos semblables, avec une bonne table du matières ; mais surtout les Lettres satiriques. Ces dernières sont indubitablement son meilleur ouvrage, celui où la vérité des mœurs et des caractères, la justesse des censures et la force comique

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brillent du plus vif éclat. Il faut toutefois avouer que les folies et les préjugés qu’il attaque, ont en quelque sorte disparu de la scène du monde, qu’ils sont remplacés par des travers d’un genre différent, et que les originaux qu’il immole a la risée, appartiennent presque tous aux classes mitoyennes de la société. Les pédants, les demi savants, les petits-maîtres ; les ecclésiastiques gauches et importuns, quelquefois coupables de bassesses et de simonie ; des subalternes trafiquant de leur ascendant sur leurs maîtres insouciants, mais et vaniteux ; les gentillâtres présomptueux et bêtes ; les mauvais poëtes, les charlatans, les avares, les femmes vaines et folles, sont principalement les objets de sa critique. l tare ment ses sarcasmes semblent-ils atteindre une sphère supérieure. Quoi qu’il en soit des effets positifs de son talent satirique, Rabener fut, entre ceux qui ont du à ce même talent une grande renommée, le plus digne peut-être, par ses vertus, d’exercer cette magistrature morale dont l’autorité ne peut que s’accroître par le mérite personnel du censeur. Mais si, d’un côté, il n’avait pas à craindre les récriminations de ceux qu’il voulait corriger, en les faisant rougir ou rire d’eux-mêmes, il était, de l’autre côté, éminemment propre a s’ériger en réformateur des travers d’une nation distinguée par les qualités de l’âme et par ses bonnes mœurs. Les amis de Rabener ont tous célébré à l’envi l’excellence de son caractère et les charmes de son commerce. Inflexible défenseur de la justice comme magistrat, consciencieux et zélé observateur de tous ses devoirs, il apportait à ses travaux une ponctualité, un esprit d’ordre, en même temps qu’une habitude d’élégance et de concision, qui contribuèrent au perfectionnement de l’administration où il occupait une place importante, et à la réforme du style usité qui, jusqu’alors barbare, verbeux et compliqué, reçut, par son ascendant et ses rédactions, des améliorations importantes, favorables à la clarté et à l’expédition plus prompte des affaires. Il était animé des sentiments d’une piété sincère. Son portrait a été gravé par Berger, Haid et autres. Le meilleur est de Baase, d’après le tableau de Graff, petit in-fol. et in-8°, en tète du 10° volume de la Nouvelle bibliothèque des belles-lettres et beaux-arts. À l’exception d’une seule de ses satires, toutes sont écrites en prose, et ont été fréquemment réimprimées, depuis 1751 jusqu’en 1777. La onzième édition des Œuvres de Rabener (Leipsick, 1777, 6 vol. in-8°) est accompagnée d’une vie de l’auteur, par son ami C.-F. Weisse : c’est la source où ont puisé tous ses biographes allemands. Le sixième volume renferme sa correspondance avec quelques dames et avec ses amis : Ant. Cramer, J.-Ad. Schlegel, Frédéric de Hagedorn, Giselie. Gellert, Weisse et Ferber ; une édition nouvelle a vu le jour a Stuttgart, 1839, 5 vol. in-8°. On a traduit les’