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ION vint dans le Katai ou l’empire du Grand Khan, c’est-à-dire dans la Chine septentrionale. Il remit au souverain des 1’artares une lettre du pape, qui l’engageait à embrasser le christianisme ; mais ce prince était trop attaché à l’idolâtrie pour suivre ce conseil. Il ne laissait pas d’accorder beaucoup de grâces aux chrétiens, particulièrement aux nestoriens, qui avaient fait de tels progrès dans ces contrées, qu’ils s’opposaient à ce que ceux d’un autre rite eussent le moindre oratoire et prêchassent une autre doctrine que la leur. Le religieux italien eut beaucoup a souffrir de leurs persécutions. Plusieurs fois il fut en butte à des accusations sous le poids desquelles il eût succombé, si le hasard n’en eut fait connaître la fausseté a l’empereur. Il demeura privé du secours de ses confrères (pendant onze ans, apr·ès lesquels un franciscain e Cologne, nommé Amold, vint le rejoindre. Jean avait mis six années à bâtir une église dans la ville de Khan-Balilrh, c’est-à-dire dans la ville royale, ou la capitale de l’empire des Tartares. Il y avait même construit un clocher, où furent placées trois cloches que l’on sonnait à toutes les heures pour appeler les jeunes néophytes aux offices. il avait baptisé environ six mille personnes, et il en eût baptisé plus de trente mille. sans les tracasseries qu’il éprouva. Il avait en outre acheté cent cinquante jeunes garçons de l’tge· de onze ans et au-dessous, enfants de païens et n’ayant encore aucune religion : il les instruisit dans la foi chrétienne, leur apprit les lettres grecques et latines, et composa en leur faveur deà psautiers, des hymnaires et deux bréviaires ; de sorte que ces enfants chantaient les offices comme cela se pratiquait dans les couvents. Jean tira encore pour la religion plus d’avantages de la conversion d’un prince mongol de la tribu des Keraïtes, qu’il nommait Georges et qui descendait, suivant lui, de cet oung-Khan à qui les relations du moyen âge ont appliqué la dénomination de Prêtre-Jean. Une grande partie des vassaux de ce prince, attachés jusque-là au nestorianisme, suivirent son exemple, et ayant embrassé la foi catholique, ils y persévérèrent jusqu’à la mort de Georges, qui eut lieu vers 1199. Mais à cette époque ils cédèrent pour la plupart aux séductions de ceux de leurs compatriotes qui étaient restés nestoriens ; et Jean, retenu près du Grand Khan, ne put ni les rejoindre, ni leur envoyer personne pour s’opposer à leur détection. C’était pour lui= un grand su’d’al’rchon’ ’de n’être aidé r aucun compagne}: dan. ; ses travaux apostoliques et de n’avoir même, depuis douze ans. aucune nouvelle positive de la cour de Rome, au sujet de laquelle un chirurgien lomhard, venu en Tartarie vers 1103, avait fait courir les bruits les plus étranges. Ce délaissement obligea Jean de Itoutecorvino à écrire en 1305 (8 janvier) une lettre datée de Khan-Balikh et adressée aux religieux de son ordre, pour les prier de lui envoyer, entre autres

NON 59 p secours dont il avaitleplusgrandbeaoin, un antiphonaire, la légende des saints, un graduel et un psautier. Dans cette lettre, qpi nous a été conservée tpar Wedding (Anna !. iam-., t., 6, p. 69), et’où sont tirés les détails qu’on vient délire, Jean de Montecorvino annonce qu’il avait appris suttisammentla langue usuelle des Tartares, c est-à-dire le mongol, et qu’il avait traduit en cette langue le Nouveau Testament et les Psaumes. Il les avait fait écrire avec le plus grand soin dans les caractères propres à cet idiome : il lisait, écrivait et prêchait en mongol, et si le roi Georges eût vécu plus longtemps, il eût complété la traduction de’ollice latin pour le répandre dans toutes les terres de la domination du Grand Khan. Dans une autre lettre écrite l’année suivante, Jean de Montecorvino parle de la bonté que le Grand Khan lui marquait, des honneurs qu’il lui faisait rendre œmme à l’envoyé du saint-. siège et de la nouvelle faveur qu’il lui avait accordée, en lui permettant de construire une seconde église, à un jet de pierre de la porte du palais impérial et si près de la chambre même du khan, que ce prince pouvait entendre les chants de ceux qui célébraient les otllces, On serait peut—ètre tenté d’élever quelque doute sur une grâce si singulière, si l’on ne savait, par les historiens chinois, avec quèl empressement les empereurs mongols accueillaient les prêtres de toutes les sectes, les religieux occidentaux de tou te ’les samanéens de l’Inde et les lamas du Ti et, avec lesquels les nestoriens et vraisemblablement aussi les catholiques paraissent avoir été fréquemrnent confondus. Un autre trait du récit de Jean de Montecorvino, celui qui est relatif à la conversion du prince des Keraïtes et d’une partie de ses sujets, semblerait aussi avoir besoin de confirmation : mais il est tout à fait d’accord avec les relations des musulmans, qui nous apprennent ¢q.u’il y avait en effet beaucoup de chrétiens ez les Keraïtes et qui citent plusieurs princesses de cette nation comme ay ant professé autement la religion de Jésus-Christ. On n’a donc nul motif de révoquer en doute la sincérité du franciscain, ni même le succès de sa prédication. Il reçut au bout de quelques. années la récompense due à son zèle età ses longs travaux. En 1303, le pape Clément V érigea pour lui le siège archiépiscopal de Khan-Balilrh et envoya pour l’aider André, de Pérouse et quelques autres, qu’il créa sutïragants de l’archevêché de K.han-Balikh.·Quant à ce siège, de grandes prérogatives furept attachéeîèesoit en îue del iti ; portance ont i pouvait pour es prog · du christianisme aux extrémües de l’Orient, soit en faveur de celui qui en était le premier titulaire. Jean de Montecorvino eut pour lui et (Eur ses successeurs le droit d’ériger des siéges, sacrer des évêques, des prêtres et des clercs, et de régir toutes les églises de Tartarie, sous la seule condition de se reconnaître soumis aux papes et de