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devenus de bons jardiniers, d’excellents pépiniéristes, quelques-uns même des dessinateurs et planteurs de jardins d’agrément. Lorsqu’en 1780, par suite des réformes de Necker, la pépinière de la Rochette cessa d’être au compte du gouvernement, il y existait sept millions cent trente et un mille six cents plants d’arbres de toutes les espèces. Les talents et les services de Moreau ne demeurèrent point sans récompense. Outre sa place d’inspecteur général des pépinières royales, il avait été nommé à celle d’inspecteur général des familles acadiennes restées sur les ports de mer, puis fait commissaire du roi, chargé d’aménager les bois servant à l’approvisionnement de Paris et de rendre flottables les ruisseaux affluents aux communications avec la Seine. Dès 1769, le roi lui avait accordé des lettres de noblesse et l’avait décoré de l’ordre de St-Michel. Son mérite, sa réputation et les avantages qu’on tirait de ses pépinières l’avaient mis en relation avec tous les grands propriétaires de France et les personnes les plus distinguées des hautes classes de la société. Voltaire lui-même avait lié avec lui sous le rapport agricole une correspondance dont il reste dans la famille Moreau des monuments curieux (1) : le vieillard de Ferney lui demandait des arbres pour ses plantations et des conseils sur la manière de les gouverner. On doit encore à Moreau l’établissement à Urcel, près Laon, d’une belle manufacture de sulfate de fer. Il avait dressé des plans pour le défrichement des landes de Bordeaux, qu’il croyait « susceptibles « de bonne culture et de productions fertiles. » Il mourut dans sa terre e 20 juillet 1791. Son fils Jean-Étienne Moreau de LA Rochette, né à Melun en 1750, mort le 8 mai 1804, continua de diriger les établissements agricoles dont on vient de parler. L-v.


MOREAU DE LA ROCHETTE (le baron Armand-Bernard, fils et petit-fils des précédents, naquit le 12 avril 1787 à la Rochette, près Melun. D’abord confié aux soins du savant abbé Lécuy, il fut ensuite un des élèves de Luce de Lancíval. Il fut successivement nommé auditeur au conseil d’État le 19 janvier 1810. commissaire spécial de police à Caen le 28 juillet 1811, sous-préfet de Yarrondissement de Provins le 26 juillet 1814, et membre de la Légion d’honneur le 29 janvier 1815, en récompense d’un travail relatif à l’organisation des gardes nationales. En janvier

1818, Moreau de la Rochette obtint la préfecture de la Vienne. On dit alors qu’il devait cette faveur au zèle qu’il avait déployé pour faire échouer l’élection du général Lafayette dans le département de Seine-et-Marne. Créé baron en (ll lla consistent en six lettres autographes de Voltaire, écrites avec cette originalité piquante qui distingue sa manière, et quatre lettres à lui adressées par Moreau de la Rochette. Ces dix lettres ont été imprimée* et insérées dans les Mémoires de la nociété d’agriculture du département de la. Seine lt.. 4, p. 264 et suiv.), par les soins de François de Neuchãteau, avec une Notice du même, sur les pépinières de la Rochette. MOR

1819, il épousa la même année une demoiselle de St-Criq-Casaux. Moreau de la Rochette devint préfet du département de Seine-et-Marne en 1820, puis du Jura l’année suivante. Il mourut à Lons-le-Saulnier le 8 août 1822, à peine âgé de 35 ans. On a de lui :* 1° l’Amour crucifié, traduction d’Ausone, 1806, in-12 ; les Adieu : d’Andromaque et d’Hector, traduits du grec en vers français, in-8o, sans date. Z.


MOREAU DE MERSAN. Voyez MERSAN.


MOREAU DE MAUTOUR. Voyez Mautour.


MOREAU-SAINT-MERY (Médéricc-Louis-ELie), conseiller d’État, naquit au Fort-Royal de la Martinique le 13 janvier 1750. La famille à laquelle il appartenait, l’une des plus distinguées de cette île, originaire du Poitou, remontait a la fondation de nos colonies dans l’archipel.américain, et depuis plusieurs générations occupait les premiers emplois de la magistrature. Cette famille avait possédé des biens considérables à la Martinique ; mais la plus grande partie de ces biens venait d’être dissipée à l’époque de la naissance de Moreau de St-Méry. Il perdit son père avant l’âge de trois ans, et sa mère, ne pouvant se résoudre à se séparer de lui, ne l’envoya point en France, où les colons allaient l’aire leurs études classiques, à défaut d’institutions scolastiques dans leur pays natal. Moreau n’apprit donc qu’à lire et à écrire ; mais sa mère, femme éclairée, ornait son esprit de toute l’instruction nécessaire aux gens du monde : surtout elle l’habituait à la pratique des vertus sociales, et lui inspirait pour la morale évangélique le goût qu’il n’avait que de trop fréquentes occasions de satisfaire dans un pays où régnait l’esclavage. Ces sentiments germèrent dans son

cœur, et, bien jeune encore, il était le protecteur des noirs, leur avocat auprès de leurs maîtres et surtout près de son aïeul, que sa charge de sénéchal constituait l’interprète du rigoureux code noir. Moreau sollicitait la grâce des noirs accusés, et lorsqu’elle était impossible, il faisait au moins adoucir leur châtiment : il allait dans la prison les consoler et leur apporter l’espérance. Le code noir porte la peine de mort contre tout esclave dénoncé par son maître comme ayant déserté trois fois. Un cas semblable se présenta, et le sénéchal dut prononcer la peine capitale. L’esclave condamné était un excellent homme qui n’avait jamais déserté que pour se soustraire aux cruautés de son maître. Le jeune Moreau, désespéré, se jeta aux pieds de son grand-père pour qu’il fît grâce au noir ; mais la loi était positive. Un seul moyen se présentait : c’était que le condamné acceptàt la place d’exécuteur des hautes œuvres. Moreau fut chargé de la lui otïrir : « Non, répondit le noir dans son jargon naïf, je ne dois « mourir qu’une fois ; si je devenais bourreu, « mon supplice recommencerait chaque jour. » Moreau ne racontait jamais cette anecdote qu’avec attendrissement. C’est ainsi que dès sa jeu-