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et ainsi jamais les condamnations ni les confiscations ne furent plus rares que sous son règne. Plusieurs calamités publiques, telles que des disettes, des inondations, des incendies et des tremblements de terre, affligèrent ses peuples ; sa bienfaisance et sa libéralité réparèrent ces malheurs autant qu’il était possible. Attentif à ne point fouler le peuple, il ne fit jamais de voyages lointains. Cette manière de penser le rendait économe des revenus publics et prodigue de son patrimoine. Il en donna la preuve en payant de ses propres deniers, et malgré l’opposition de sa femme, un don qu’il avait promis au peuple lors de son adoption. Son économie et son esprit de justice le portèrent à supprimer plusieurs pensions mal à propos accordées ; toutefois il ne connaissait ni l’avarice ni la cupidité, et il dépensait volontiers des sommes considérables pour tout ce qui pouvait servir à l’ornement ou à l’utilité de l’empire, ainsi qu’aux plaisirs du peuple. Le plus remarquable des édifices qu’il fit élever à Rome fut un temple en l’honneur d’Adrien. On pense que c’est à Antonin que Nîmes, patrie de ses aïeux, dut son amphithéâtre et le magnifique aqueduc connu sous le nom de Pont du Gard. Antonin rendait lui-même la justice, et, parmi plusieurs décrets remarquables, on cite de lui les trois suivants : il ne voulut pas qu’un accusé acquitté put être poursuivi de nouveau pour le même fait ; il défendit qu’on déshéritât, comme auparavant, au profit du trésor public, les enfants de ceux qui avaient été reconnus citoyens romains ; enfin il permit aux femmes accusées d’adultère de demander qu’on examinât la conduite de leurs maris. Il donna aussi des édits en faveur des chrétiens, pour les soustraire à des injustices légales et aux fureurs populaires. Un de ces édits se trouve dans l’Histoire ecclésiastique d’Eusébe : cependant quelques critiques l’attribuent à Marc-Aurèle. Il est adressé au peuple de l’Asie Mineure, et rend hommage au caractère des chrétiens. Quelques rois voisins des frontières de l’empire vinrent visiter Antonin ; d’autres lui envoyèrent des ambassadeurs, et le firent arbitre de leurs différends. Une seule lettre de sa main suffit pour détourner le roi des Parthes de faire la guerre aux Arméniens, et, sur sa recommandation, les Lazes, peuples de la Colchide, choisirent Pacorus pour leur roi. Dans sa vie privée, il était frugal, modeste, et rien n’altérait la sérénité de son caractère. Peut-être, comme on l’a déjà indiqué, fut-il trop indulgent envers son indigne épouse, Faustine. (Voy. Faustine.) Peu de temps après son avènement au trône, il manifesta son estime pour les vertus de Marc-Aurèle, en lui faisant épouser sa fille Faustine, et en le déclarant César. Dans la suite, il accumula sur lui toutes sortes d’honneurs, et fut payé de retour par la plus profonde soumission, et une tendresse vraiment filiale. Marc-Aurèle ne le quitta point, et partagea avec lui tous les soins du gouvernement, sans qu’aucun d’eux eût jamais la moindre défiance de l’autre. Antonin était parvenu à l’âge de 74 ans et demi, lorsqu’au mois de mars 161 de J.-C., il fut attaqué, dans sa campagne de Lori, d’une fièvre dont il prévit bientôt le fatal résultat. Il fit venir les grands officiers de l’empire, et, en leur présence, choisit pour son successeur Marc-Aurèle, à qui il fit porter les ornements impériaux. Il eut ensuite le délire, et en ce moment même on vit combien cet excellent prince avait à cœur la félicité de ses peuples. Il mourut après un règne de 23 ans : ses cendres furent placées dans le tombeau d’Adrien, et le sénat lui décerna unanimement les honneurs divins. Tout l’empire pleura sa perte, comme une calamité publique. Une des plus fortes preuves de l’extrême vénération que son nom inspirait fut que, pendant un siècle, tous les empereurs prirent le surnom d’Antonin, comme étant celui qui pouvait les rendre le plus chers au peuple. Marc-Aurèle et le sénat consacrèrent à sa mémoire une colonne entourée de bas-reliefs. Elle subsiste encore, et porte le nom de colonne Antonine ; mais on a substitué la statue de St. Paul à celle de ce prince, qui était placée au sommet de ce beau monument. Nous avons quelques harangues publiées sous le nom d’Antonin, mais on doute qu’elles soient de lui. Il n’est pas non plus certain qu’il soit auteur de l’Itinerarium Provinciarum, où l’on trouve les routes militaires des Romains. On attribue également cet ouvrage à Marc-Aurèle, et même à Caracalla, aussi bien que l’Iter Britannicum. Il serait plus naturel de croire qu’ils auront été rédigés par ordre de quelqu’un de ces empereurs. Quoi qu’il en soit, tous deux sont utiles pour l’étude de la géographie des anciens. Les éditions de l’Itinerarium Provinciarum données par les Aide et les Junte sont fautives, et on doit leur préférer celles qui ont paru à Bâle, 1575, in-16, et à Cologne, 1600, in-8o, toutes deux avec des notes ; mais la plus estimée, sans contredit, est celle d’Amsterdam, P. Wesseling, 1735, in-4o. L’Iter Britanicum a été aussi imprimé plusieurs fois : la meilleure édition est celle de Thomas Reynolds, Londres, 1799, in-4o. D-t.


ANTONIN. Voyez Marc-Aurèle.


ANTONIN de Forciglioni (Saint), archevêque de Florence, né dans cette ville en 1589, entra très-jeune dans l’ordre de St-Dominique, sachant déjà par cœur le Décret de Gratien, qui était alors le livre par excellence. Il devint supérieur général d’une nombreuse congrégation, qui avait embrassé une austère réforme, et parut avec éclat au concile de Florence, où il fut chargé d’entrer en controverse avec les Grecs. Les Florentins ayant demandé, en 1446, à Eugène IV, un archevêque pieux, savant, et leur compatriote, afin qu’il connut les besoins du pays, et qu’il fût à même d’y pourvoir, toutes ces qualités se trouvèrent réunies dans la personne d’Antonin, qui fit d’inutiles efforts pour se soustraire au vœu de ses concitoyens et aux ordres du pape. À peine fut-il installé, qu’il retraça dans sa conduite les vertus qu’on avait admirées dans les évêques de la primitive Église. Austère dans sa vie privée, simple dans son extérieur, ennemi des honneurs, attaché a tous les devoirs de sa place, son zèle et sa charité ne connurent point de bornes, surtout pendant la peste et la famine qui affligèrent Florence en 1448. Ce fut au milieu de l’exercice de toutes les ver-