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nord fut pacifié, et le prince de Dessau s’appliqua pendant son long séjour dans Berlin à organiser l’armée prussienne. Ce fut à lui qu’elle dut cette discipline qui la rendit si redoutable nous Frédéric II. Le prince d’Anhalt était parvenu au plus haut point de la gloire militaire, lorsque le roi Frédéric-Guillaume Ier mourut. La faveur du monarque n’avait pas cesse de le suivre dans toutes les occasions : la rudesse du caractère et la bizarrerie des mœurs de ces deux princes avaient assez d’analogie pour qu’ils fussent toujours parfaitement d’accord ; mais il ne pouvait pas en être de même avec Frédéric II. Le vieux guerrier se montra d’abord fort opposé au système de guerre contre l’Autriche qu’avait adopté le jeune roi. Cependant, lorsqu’il vit que, malgré ses avis, cette guerre était résolue, il accepta le commandement d’une armée que lui confia Frédéric ; et après quelques marches un peu lentes et qui auraient paru timides de la part d’un autre général, mais qui chez Léopold n’étaient que la conséquence de son système d’opposition, il se conduisit avec beaucoup de vigueur, et remporta à Kesseldorff, le 15 décembre 1745, sur les Saxons et les Autrichiens, une victoire décisive, et qui eut pour résultats la jonction de son armée avec celle du roi, et la prise de Dresde (Voy. Frédéric II.) « Ce fut, dit Guihert, la dernière action de guerre de ce vieux Anhalt, qui combattait depuis quarante ans à la tête de cette infanterie prussienne dont il avait été le créateur. » La paix ayant été signée peu de jours après, le prince Léopold se retira à Dessau, où il mourut subitement le 9 avril 1747, à l’âge de 72 ans. Il était aimé de ses sujets, malgré la dureté de son caractère et la violence de ses passions, parce qu’il se familiarisait souvent avec les hommes des classes inférieures, et que son genre de vie était généralement simple et frugal. On ne craignait que les explosions de sa colère, qui se manifestait par des regards effrayants et le tonnerre d’une voix martiale. Dans sa première jeunesse, le prince Léopold de Dessau s’était pris de la plus forte passion pour la fille d’un apothicaire, nommée Anne-Louise Fœssen. Il lui était reste attache pendant ses voyages et ses premières campagnes, et il résolut de l’épouser. Mais sa mère y mit les plus grands obstacles. Cependant, au grand scandale de la noblesse allemande, cette union eut lieu, du consentement de l’Empereur, qui éleva la jeune personne au rang de princesse et lui donna le titre d’altesse. Elle conserva toujours l’attachement de son époux, qu’elle accompagna même dans plusieurs campagnes, et auquel elle donna neuf enfants. On voit à Berlin, sur la place de la parade, en face du château, la statue pédestre de Léopold de Dessau, en marbre de Carrare, qui y fut posée en 1800, et dont le sculpteur prussien Schadow a donné le modèle. L’inscription de ce monument atteste que Léopold fut le créateur de l’armée prussienne. Le prince avait étudié la guerre comme un métier ; il avait la confiance des troupes et il était aimé du soldat, malgré la discipline rigoureuse qu’il lui faisait observer. Il portait surtout son attention sur l’infanterie, et il introduisit quelques améliorations dans l’arme du fantassin ; ce fut lui qui imagine des baguettes de fer et qui apprit aux soldats à charger avec une vitesse incroyable. Depuis 1733, le premier rang chargea la baïonnette au bout du fusil. Frédéric II, qui au fond ne l’aimait pas, dit qu’il joignait une grande prudence à une rare valeur, mais qu’avec beaucoup de qualités il n’en avait guère de bonnes. Dreux du Radier, dans l’Europe illustre, a donné sur ce prince une courte notice, extraite textuellement du Journal de Verdun, avec son portrait gravé par Wille. Varnhagen d’Ense lui a consacre un article fort étendu dans ses Monuments biographiques, Berlin 1825 ; et l’on trouve encore sur ce guerrier une notice dan le tome 1er des Mémoires pour servir à la Biographie des personnes remarquables, par Busching. — Deux princes d’Anhalt, contemporains de Léopold, furent tués à la bataille de Denain ; un autre (le prince Maurice) mourut des blessures qu’il avait reçues à la bataille de Hockirch, et un autre encore à la bataille de Torgau. Peu de familles ont produit un aussi grand nombre de guerriers célèbres ; plusieurs de ses princesses ont épouse de grands souverains. Catherine II, impératrice de Russie, était de cette illustre maison. (Voy. Catherine II.) C—AU. et F-a.


ANHALT-DESSAU (Léopold-Maximilien d’), fils du précédent, naquit le 25 septembre 1700. Dès l’âge de neuf ans, il fut conduit par son père sur le champ de bataille. Après avoir servi avec distinction en Hongrie contre les Turcs, et sur le Rhin contre la France, il fut employé par Frédéric dans la guerre de Silésie. Le succès avec lequel il fit le siége de Glogau, et l’intrépidité de courage qui le rendit maître de Breslau, ainsi que la part qu’il eut à plusieurs affaires importantes sous le commandement du roi, lui firent obtenir le titre de feld-maréchal général. Parvenu à la régence du pays de Dessau après la mort de son père, il se signala par son zèle pour le bonheur de ses sujets, perfectionna l’administration des finances, créa plusieurs institutions utiles, et fit reconstruire le palais de Dessan. Il était marié a Gisèle-Agnès d’Anhalt-Coethen, dont il eut sept enfants. Cette princesse mourut le 20 avril 1751, et son époux, qui la regrettait vivement, la suivit au tombeau le 16 décembre de la même année. C-au.


ANHALT-DESSAU (Léopold-Frédéric-François), fils du précédent, naquit à Dessau le 10 août 1740. Destiné, suivant l’usage de sa famille, à faire ses premières armes au service de la Prusse, il fut présenté en 1751 à Frédéric II, qui, plus tard, lui donna un régiment. Dans la même année il perdit son père et passa sous la tutelle du prince Thierri, son oncle, qui devint régent de la principauté d’Anhalt-Dessau. Le jeune François se livra avec beaucoup d’ardeur a l’étude des sciences exactes, et se rendit en 1755 à son régiment à Italie, où il remplit les fonctions de capitaine de la compagnie colonelle. Lorsqu’en 1756 l’armée prussienne se mit en marche, le roi lui refusa, à cause de sa jeunesse, la permission de continuer ce service ; mais son désir de faire la guerre était si grand qu’il entra comme