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val. Parmi eux était un de ses plus intimes amis, Domitius Ahenoharbus, dont l’abandon affecta sensiblement le cœur d’Antoine, qui toutefois tint envers lui une conduite très-louable ; car il lui renvoya tous ses gens et tous ses équipages. Domitius fut touché d’une générosité à laquelle il ne s’attendait pas ; il était alors malade, et mourut de douleur, peu de temps après. La fameuse bataille d’Actium eut enfin lieu. On combattit sur mer, contre le sentiment des meilleurs officiers d’Antoine. Il voulut déférer à celui de Cléopâtre, qui était fière de ses forces navales. Au milieu de l’action, la reine d’Égypte avec son escadre de soixante galères prit la fuite ; Antoine, courant sur ses traces avec un petit vaisseau, et abandonnant ses braves défenseurs, perdit l’empire du monde et se couvrit d’une honte éternelle. Ses soldats, privés de leur chef, combattirent encore longtemps ; mais à la fin ils succombèrent. Ses troupes de terre, ne pouvant penser qu’il les eut tout à fait abandonnées, tinrent ferme pendant quelques jours, quoiqu’elles fussent environnées par les ennemis ; mais, délaissées par leurs principaux officiers, elles se rendirent à Octave, et furent incorporées dans ses légions. Antoine, dévoré de honte et rempli d’indignation contre celle qui avait causé sa ruine, refusa pendant quelque temps de lui parler. Cependant ils se réconcilièrent, et Antoine alla en Libye, où il avait laissé un corps de troupes considérable : en arrivant, il vit qu’elles avaient embrassé le parti d’Octave, et en fut tellement affligé qu’on eut de la peine a l’empêcher de se poignarder. Il revint en Égypte et vécut d’abord dans une triste solitude ; mais Cléopâtre eut l’art de le ramener à son palais, où il reprit ses habitudes voluptueuses. Leurs fêtes furent interrompues par l’arrivée d’Octave, qui rejeta toutes les propositions de soumission qu’ils lui firent. Quand il se présenta devant Alexandrie, Antoine parut retrouver un instant son ancien courage : il fit une sortie à la tête de sa cavalerie, et battit celle d’Octave ; ensuite, abandonné par la flotte égyptienne et par ses forces de terre, ayant même quelque raison de se croire trahi par Cléopâtre, il tomba dans le plus profond désespoir. Il courut au palais de Cléopâtre, pour tirer d’elle une vengeance à laquelle elle se déroba par la fuite. Résolu de mourir, il appela Eros, son fidèle serviteur, pour qu’il acquittât la promesse qu’il lui, avait faite de le tuer quand il le lui ordonnerait. Eros, feignant de lui obéir, lui dit de détourner la tête, et, se frappant lui-même, tomba mort à ses pieds. Un tel exemple d’héroïsme et une telle affection touchèrent Antoine, et il se jeta sur l’épée La blessure ne fut pas immédiatement mortelle, et comme il désirait dire à Cléopâtre un dernier adieu, il fut hissé, par le moyen d’une corde, au haut de la tour où la reine avait cherché un asile contre ses fureurs. Elle-même aida ses femmes dans cette triste circonstance. Antoine, faible jusqu’au dernier moment, lui adressa quelques paroles pleines de tendresse, lui donna des conseils, et mourut entre ses bras, à l’âge de 56 ans, 30 ans avant J.-C. Cléopâtre lui fit de magnifiques funérailles ; mais, à Rome, on abattit toutes ses statues, et sa mémoire fut déclarée infâme. Antoine laissa cinq enfants de ses trois femmes (car, après son divorce avec Octavie, il avait épousé légalement Cléopâtre), deux fils de Fulvie, deux filles d’Octavie, et une fille de Cléopâtre. Les singularités de sa vie lui ont acquis une célébrité qu’il ne devait pas attendre de son caractère. Doué de quelques qualités brillantes, il n’avait ni assez de génie, ni assez de force d’âme pour être rangé parmi les grands hommes. On peut encore moins le mettre au nombre des hommes de bien, puisqu’il fut toujours sans principes, amateur effréné des plaisirs, et souvent cruel. Cependant peu d’hommes ont été plus chéris de leurs amis et de leurs partisans, et plusieurs de ses actions annonçaient des dispositions généreuses, préférables a la prudence et à la froide politique de son rival Octave. D-t.


ANTOINE (Lucius) fut surnommé le Gladiateur asiatique. Frère de Marc Antoine le triumvir, il fut créé par lui septemvir pour procéder à une estimation de propriétés et à un partage de terres, commission qu’il remplit en brigand, suivant Cicéron, dans sa cinquième Philippique. Il lui fut élevé dans le forum une statue équestre dorée, avec cette inscription : Quinque et trigénia tribus patrono. Cicéron, dans sa sixième Philippique, se rit amèrement de l’impudence d’Antoine, qui se croyait le patron du peuple romain. Il se trouva avec Marc Antoine à la bataille qui décida de la levée du siége de Modéne, s’enfuit avec lui, et fut poursuivi par Plancus jusque dans les Alpes. Lorsque Marc Antoine était en Orient, Lucius et Fulvie attaquèrent Octave. Après une tentative infructueuse pour défaire un corps de troupes que le triumvir faisait venir d’Espagne en Italie, Lucius s’enferma dans Pérouse. Assiégé par les lieutenants d’Octave, il se vit à peu prés abandonné par tous ceux qui tenaient le parti de son frère. Ils lui reprochaient de s’être engagé témérairement dans cette guerre à son insu. Dans ce siége, Lucius montra beaucoup de valeur et de cruauté. Il fit de fréquentes sorties, et, pour économiser le peu de vivres qu’il avait, il défendit d’en donner aux esclaves et aux valets de l’armée, que cependant il ne chassa point de la place, dans la crainte qu’ils n’allassent révéler à l’ennemi sa fâcheuse situation. Ses soldats combattirent avec un rare courage, mais enfin il fallut capituler. Lucius essaya d’obtenir, pour ceux qui l’avaient si bien secondé, une amnistie générale. Il alla se remettre aux mains d’Octave, qui le reçut avec bienveillance, lui laissa la vie, et exerça toute sa vengeance contre les habitants. (Voy. Auguste.) Q-R-y.


ANTOINE (Caïus) fut consul avec Cicéron. Il était favorable au parti de Catilina. Cicéron le gagna par de grands ménagements et en lui cédant le gouvernement de la Macédoine qui lui était échu. Antoine marcha avec une armée contre Catilina ; mais, pour éviter de le combattre, il prétexta une attaque de goutte. Ayant été accusé de malversation dans