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qu’Antara se rend à lui-même. Quand on lit ces lignes, n’est-on pas tenté de croire, avec quelques critiques, à l’origine orientale des sentiments et de l’idéal chevaleresques ? On se fatiguerait à suivre le héros bédouin dans ses courses aventureuses, à retracer ses innombrables combats, ses prouesses merveilleuses ; trois mots suffisent à raconter sa vie : combattre, aimer, chanter. Sa vaillance et ses vers répandirent son nom dans toute l’Arabie, et l’admiration de ses contemporains lui décerna le titre d’Aboulfeouaris (père des cavaliers). Il parvint à un âge avancé. « Ce ne sont pas les travaux de la guerre qui ont diminué mes forces, dit-il dans un de ses poëmes, mais bien la longueur du temps que j’ai vécu. » Il existe sur les circonstances de sa fin trois traditions contradictoires rapportées par l’auteur du Kitab et-Aghani. M. Fresnel en a donné la traduction dans sa troisième lettre sur l’histoire des Arabes avant l’islamisme. (Journal asiatique, année 1838.) Les Arabes comptent les poésies d’Antara parmi les plus beaux monuments de leur littérature, sa Moaliakat a de tout temps joui d’une grande célébrité parmi eux. Mahomet lui-même a éternisé la réputation du poëte absite en la consacrant par quelques paroles inspirées par un sentiment d’admiration. On rapporte qu’entendant un jour réciter ses vers, il s’écria : « De tous les hommes du désert, il n’en est point que j’eusse autant désiré de voir qu’Antara. » La religion ne tient cependant aucune place dans les vers de ce poète ; la guerre est la source de ses inspirations ; ses chants, comme ceux des Bardes et des Scaldes, respirent le mépris de la mort, la soif des combats, l’ivresse de la victoire ; le style en est noble et fier ; ils sont étincelants de métaphores sans que l’hyperbole y soit exagérée. Indépendamment de leur mérite poétique, ces tableaux de batailles sont précieux pour l’histoire : les traits si fortement accusés de la physionomie arabe y sont reproduits avec une précision vigoureuse ; ils attestent le caractère immuable des mœurs chez ce peuple mobile ; ils conservent, après douze siècles, la ressemblance et la fraîcheur d’une peinture contemporaine, et sont encore aujourd’hui le miroir fidèle de la vie des tribus nomades répandues dans l’Atlas et la péninsule arabique. La gloire d’Antara ne fit que grandir après sa mort, et les conquêtes étonnantes des propagateurs de l’islam n’en éclipsèrent pas l’éclat. La figure héroïque du père des cavaliers resta gravée dans la mémoire, comme le modèle idéal du guerrier. Dès le règne du calife Moawia, ses exploits faisaient le fond principal des récits des kassas (conteurs), et l’imagination de ces rapsodes arabes enrichissant sa vie d’une quantité d’ornements poétiques et merveilleux. Au 6e siècle de l’hégire, sous l’atabeg zengui, fils d’Aksonkar, les traditions éparses relatives à Antara furent réunies et fixées pur Etoul-Moyyed Ibn-ess-essaigb, dans une épopée romanesque qui offre plus d’un rapport avec nos romans des Douze Pairs et de la Table ronde, composés dans le même temps. Comme nos trouvères, le poëte de l’irak prète à son héros une taille et des actions surhumaines ; il fait entrer dans le cadre de sa vie et place sous son nom les exploits d’autres chefs fameux, les traits les plus éclatants qu’il a pu recueillir dans ce qui survivait de l’histoire primitive de sa patrie. Ce poëme est, au rapport des orientalistes, le premier et le plus intéressant de tous les romans de chevalerie arabe. Le nom du fils de Scheddâd n’a pas cessé d’être populaire en Qrient. On lit encore ses aventures dans les villes d’Égypte et de Syrie, sous la tente du bédouin, dans les haltes des caravanes, et les récits qu’en font les antari (conteurs d’Antar) enchantent toujours l’imagination des Arabes. C. W-r.


ANTELMI (Nicolas), chanoine et vicaire général de Fréjus, dans la première moitié du 17e siècle, rendit de grands services au chapitre de cette église, en lui faisant restituer les titres et les documents dont ses archives avaient été dépouillées. Il les rechercha de tous côtés à grands frais, souvent même au péril de sa vie, et les réunit en deux gros volumes. Il exerça quarante ans les fonctions de syndic général du clergé, et assiste, en cette qualité, à l’assemblée qui se tint à Paris dans les années 1605 et 1606. Il était très-lié avec le savant protecteur des lettres Peiresc, et c’est lui qui a fourni aux frères Gaucher et Louis de Ste-Marthe, pour leur Gallia Christiana, le catalogue des évêques de Fréjus, qu’il a rédigé sur les plus anciens documents de l’évêché. Il est mort le 2 mars 1646. Nicolas Antelmi a écrit des Adversaria, qui sont cités à la page 170 du traité de Joseph Antelmi, de Initiis Ecclesiæ Forojuliensis, Aix, 1680, in-4o. A. L. M.


ANTELMI (Joseph) naquit à Fréjus, le 25 juillet 1648. Lorsqu’il eut fini ses études, il obtint par la démission de Pierre Antelmi, son oncle, un canonicat à la cathédrale de cette ville ; il avait composé dans sa jeunesse un traité de Periculis canonicorum, c’est-à-dire sur les dangers de la vie des chanoines ; son dessein avait été sans doute de s’en préserver ; Charles Antelmi, son frère, a augmenté depuis ce traité, qu’il trouva manuscrit, et qu’il se proposait de publier. En 1680, il donna une dissertation de Initiis Ecclesiæ Forojuliensis. Non-seulement il y cherche à fixer l’époque de cette fondation, mais il y donne l’histoire de ses saints, de ses évêques, et traite de ses privilèges et de ses droits ; il y fait aussi des observations sur l’antiquité, sur l’origine, les noms divers et l’histoire de la ville ; il traite des célèbres monuments que les Romains y ont laissés, et donne les deux meilleures figures que nous ayons de la grande Porte, et de celle qu’on appelle la Porte dorée ; il termine par une description exacte du diocèse, dans laquelle on trouve une histoire curieuse du célèbre monastère de Lérins. Cette dissertation devait précéder une histoire complète de la ville et de l’église de Fréjus, qu’il se proposait de publier, mais cette histoire est restée manuscrite. En 1684, la recommandation du P. la Chaise, sous lequel il avait fait sa théologie à Lyon, lui valut la place de grand vicaire et d’official auprès de J.-B. de Verthamon, évêque de Pamiers, qui le chargea en même temps de rétablir la paix dans son diocèse, où l’affaire