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fait plusieurs auteurs[1]. La Chronique de Fontenelles (d’Achéry, Spicileg., t. 3, p. 240 ; Chronicon Fontinellense, sive S. Vandregisilii) nous apprend que l’abbé Ansegise avait formé une bibliothèque considérable, tant à Fontenelles qu’à Flavigny. Il dota les églises dont il était le patron de vases sacrés et de riches ornements. Sa mort, arrivée le 20 juillet 834, suivit de prés l’attentat commis par des fils ingrats sur la personne de Louis le Débonnaire, son bienfaiteur. L-m-x.


ANSELME (Saint), archevêque de Cantorbéry, sous les règnes de Guillaume le Roux et de Henri Ier, était né à Aost, dans le Piémont, en 1033. Ayant été visiter plusieurs monastères de France, il fut attiré à celui du Bec, en Normandie, par la réputation de son compatriote Lanfranc, y prit l’habit de St-Benoit, et y devint successivement professeur, prieur ét abbé. Il eut occasion d’aller plusieurs fois en Angleterre, où il acquit une telle réputation, que Guillaume le Roux, étant tombé malade, voulut être assisté par lui, et le nomma ensuite archevêque de Cantorbéry après la mort de Lanfranc. Anselme n’accepta cet honneur qu’à condition qu’on restituerait à cet archevêché toutes les terres dont il avait été dépouillé par Guillaume lui-même. Il n’était guère permis de compter sur une union durable entre un prélat étranger et un prince qui, marchant sur les traces de son père, ne voulait rien céder au pape ni au clergé. Anselme lui tint tête avec courage : il s’ensuivit entre eux un état de dissension continuelle. Cependant, le roi ayant besoin d’argent pour la guerre qu’il avait entreprise contre son frère Richard, duc de Normandie, l’archevêque lui offrit 500 livres sterling, somme considérable pour le temps, mais que Guillaume trouva trop modique, et refusa avec humeur. Ils eurent un sujet de mécontentement plus sérieux encore à l’époque où l’antipape Guibert, reconnu sous le nom de Clément III par le roi et par le plus grand nombre des prélats de son royaume, disputait la tiare à Urbain II. Anselme désirait établir l’autorité de ce dernier en Angleterre, et était bien résolu de se passer du consentement de Guillaume, qui, d’un autre côté, ne supportait pas l’idée que ses sujets promissent obéissance à un pape que lui-même n’avait pas reconnu. Il convoqua un synode pour faire déposer le prélat qui osait lui résister. L’affaire s’accommoda, moyennant quelques concessions mutuelles ; mais Anselme, ayant vainement demandé la restitution de tous les revenus de son siége, se décida, quoique ayant reçu défense expresse de s’éloigner, à aller appuyer lui-même l’appel qu’il avait fait ù la cour de Rome, où il fut accueilli comme un zélé serviteur du saint-siége. Il suivit Urbain au concile de Bari, en 1098, y défendit la procession du St-Esprit contre les Grecs, et soutint avec vigueur le droit du clergé de nommer exclusivement aux dignités ecclésiastiques, sans prêter foi et hommage à aucun laïc ; mais la cour de Rome avait intérêt à faire sa paix avec Guillaume ; elle ne tarda pas à abandonner Anselme, qui, rebuté, affligé, partit pour Lyon, et y resta jusqu’à la mort du roi, en 1100. Henri Ier, son successeur, parvenu au trône par une usurpation, ne négligeait rien pour s’y maintenir. Sachant à quel point l’archevêque de Cantorbéry s’était concilié l’affection du peuple, il lui envoya plusieurs messages pour le rappeler. Anselme céda à ces instances, et fut reçu avec les plus grands honneurs, ce qui n’empêcha pas qu’une contestation très-vive ne s’élevât presque aussitôt entre le roi et le prélat. Celui-ci, qui avait déjà rendu hommage à Guillaume le Roux, refusait de le renouveler entre les mains du nouveau souverain. Malgré ce refus, quand le duc de Normandie menaça d’envahir l’Angleterre, non-seulement Anselme fournit au roi des secours d’hommes considérables, mais il employa encore tout son crédit auprès des barons, et alla même jusqu’à parcourir à cheval les rangs de l’armée, pour exciter l’ardeur des soldats. Peu de temps après, il fut encore obligé de faire un voyage à Rome, avec le consentement de Henri Ier, et, après des lenteurs et des difficultés de toute espèce, il se retira une seconde fois à Lyon, puis à son abbaye du Bec, où il entretint une correspondance avec la cour de Bonne, et finit par obtenir une convention en vertu de laquelle le pape conservait le droit spirituel de donner les investitures, et devait seul envoyer aux évêques la croix et l’anneau pastoral, tandis que le roi d’Angleterre recevrait d’eux le serment de fidélité pour leurs propriétés et privilèges temporels. Ce fut alors que Henri, voulant terminer tous les sujets de discussion, prit le parti de se rendre en personne à l’abbaye du Bec, où Anselme était malade, et le ramena dans ses États, où le prélat fut accueilli par les démonstrations de joie les plus vives. La vénération qu’Anselme sut inspirer au peuple doit être surtout attribuée à la sévérité de ses mœurs, et à l’énergie avec laquelle il lutta contre les abus de pouvoir. Il insista fortement sur la nécessité du célibat ecclésiastique, et fut le premier qui le prescrivit en Angleterre, où le synode national tenu à Westminster en 1102 en fit une loi religieuse. Anselme mourut en 1100. Nous ne rapporterons pas les miracles très-extraordinaires qui lui ont été attribués, et dont un écrivain du 11e siècle (Jean de Salisbury) a donné le récit. La bibliothèque de Lyon posséde un très-beau manuscrit de ses méditations et oraisons. H. L-p-e.

— Par la hauteur de son génie, la beauté de son caractère et l’éclat de ses vertus, St. Anselme s’est placé parmi les grande hommes du christianisme. Élevé sur le siége archiépiscopal de Cantorbéry pendant la lutte du sacerdoce et de la royauté au sujet des investitures, il favorisa de tout son pouvoir la regenération et l’affranchissement de l’Église, et remplit avec une courageuse constance la mission de faire exécuter en Angleterre les décrets de Grégoire VII et des papes continuateurs de son œuvre, sans se laisser jamais ni intimider ni séduire par ses souverains temporels. Mais quels que soient l’importance politique et les mérites de sa vie, sa gloire repose

  1. Gesner (Biblioth., Tiguri, 1583, p. 53) lui donne les titres suivants : Abbas Lebieinis, posteu Semonensis archipiscopus. C’est ne double erreur.