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l’on promit 6,000 fr. à celui qui l’apporterait. S’il était permis de comparer de petites révolutions avec des événements beaucoup plus considérables, mais qui semblent en être le type, on pourrait dire qu’Artigas fut alors dans la république de Buenos-Ayres un autre Dumouriez. Mais plus habile, ou peut-être plus heureux que le général français, et n’abandonnant pas la partie au moment décisif, il ne songea qu’aux moyens de résistance. Aussi actif d’intrépide, chéri de ses soldats, dont, malgré son âge (soixante-dix ans), il partageait toutes les habitudes, il excita dans ce moment un grand enthousiasme. À sa voix de nombreuses levées furent opérées dans le pays qui s’étend entre l’Uraguay, le Parana et le Brésil, et il put bientôt marcher a la tête d’une armée contre celle que ses ennemis dirent sortir de Buenos-Ayres. Artigas battit cette armée dans la première rencontre, et s’empara de Montevideo, de Santa-Fé, en 1815. Un nouveau corps envoyé contre lui sous le général Valearoel subit le même sert, et la république n’eut plus d’autre parti à prendre avec son général révolté, que celui des négociations ; elle lui céda, par un traité, Santaf-Fé, et toute la rive orientale de la Plata. On sait qu’en pareil cas les voisins, profitant des divisions intestines, ne manquent pas de faire quelques tentatives d’envahissement. Les Portugais voulurent donc en 1816, pour la seconde fois, s’emparer de tout le pays jusqu’à la Plata. Mais Artigas, fidèle aux intérêts de sa nouvelle patrie, ne songea plus alors qu’à repousser une agression étrangère ; il marcha contre les Portugais, et, quoique vaincu dans une première attaque, il ne se laissa point abattre. Après plusieurs affaires, dans lesquelles les succès fuient alternatifs, il obligea le gouvernement de Rio-Janeiro a entrer en négociation avec la république de Buenos-Ayrcs. Les craintes d’un armement qui se préparait dans les ports de la métropole, pour soumettre les colonies de l’Espagne, forcèrent, à cette époque, les divers partis de la république se réunir ; et le général Artigas lui-même parut un instant se rapprocher de ses rivaux ; mais des que la révolution des Riego et des Quiroga eut aussi triomphe dans la métropole (1820), les divisions et les haines des partis reprirent toute leur force dans la république de Buenos-Ayres. Le directeur Puyredon, se livrant de nouveau à ses projets de domination, envoya contre Artigas une armée commandée par Rondeau ; ce général fut bientôt abandonné par une partie de ses troupes, qui vinrent se mettre sous les ordres d’Artigas, et tous ensemble marchèrent contre la capitale, d’où Puyredon et les siens furent contraints de s’éloigner. Artigas triomphait ; mais peu fait pour les discussions et les intrigues de la politique, il ne sut pas longtemps conserver un pouvoir que se disputaient à la fois une foule d’intrigants ambitieux et plus adroits que lui. Obligé de quitter encore Buenos›Ayres, abandonné d’une partie de ses soldats, il fut vaincu dans un combat décisif au mois d’octobre 1820. Retenu ensuite au Paraguay, par le docteur Francia, dans une espèce de captivité, il y mourut au commencement de 1826. M-d j.


ARTIGNY (Antoine Gacher d’), chanoine de l’église primatiale de Vienne en Dauphiné, était né en cette ville, le 8 novembre 1706. Littérateur modeste et laborieux, il passa sa vie dans l’obscurité de son cabinet, occupé surtout de remarques critiques et bibliographiques. En 1759, il publia une brochure intitulée : Relation d’une assemblée tenue au bas du Parnasse, pour la réforme des belles-lettres, in-12. Sabatier a dit, avec plus de malignité que de raison, que le lieu de l’assemblée était bien choisi. Cette brochure est écrite avec plus de finesse et d’esprit qu’on ne le devait attendre d’un homme occupé de recherches minutieuses, et qui songeait moins à soigner son style qu’à augmenter ses collections. Elle eut quelque succès, et il se proposait d’en donner une nouvelle édition ; il avait même adressé son manuscrit à un libraire de Hollande, qui se contenta d’en publier la première partie, sans en nommer l’auteur, dans une compilation ayant pour titre : Petit Réservoir, contenant une variété de faits historiques et critiques, la Haye, 1750, 5 vol. in-8o. L’abbé d’Artigny abandonne donc son projet d’une nouvelle édition ; mais il inséra les changements et les additions qu’il avait faits à son ouvrage dans le dernier volume de ses Nouveaux Mémoires l’histoire, de critiques et de littérature, Paris, 1749-56, 7 vol. in-12. Il a réuni dans ce recueil plusieurs pièces également rares et curieuses ; des dissertations sur différents points de l’histoire littéraire, remarquables par un ton décent de critique, et par un air de bonne foi qui plaît au lecteur et qui le persuade. On a reproché a l’abbé d’Artigny d’avoir tiré les articles les plus intéressants de son recueil d’une histoire manuscrite des poètes français, composée par l’abbé Brun, doyen de St-Agricole d’Avignon. On ne peut douter que l’abbé d’Artigny ne connût l’existence de l’ouvrage de Brun, puisqu’il dit que le manuscrit en était resté dans la bibliothèque du séminaire de St-Sulpice de Lyon, ainsi qu’un traité du plagiat, par le même auteur ; mais les articles concernant les poètes français ne sont pas les plus intéressants de son recueil, comme on a affecté de le dire ; et l’abbé d’Artigny aurait pu avouer qu’il les avait empruntés à Brun, sans que sa réputation en souffrit. Il s’occupait d’un abrégé de l’histoire universele dont on a trouvé le manuscrit informe dans ses papiers. Sur la fin de sa vie, il abandonne tous ses projets littéraires pour se livrer à l’étude des médailles, devenue pour lui une passion. Dans sa jeunesse, il avait fait des vers qu’il supprima dans un âge plus mûr, et avec raison, si l’on en juge par ceux qu’il a laissés, en petit nombre. Il mourut à Vienne, le 6 mai 1778, dans sa 62e année. W-s.


ARTIS (Jean d’), en latin Artisius, habile canoniste, était de Cahors, où il naquit en 1572. Ses premières études étant achevées, il alla faire son cours de philosophie à Rodez, ou il se lia de l’amitié la plus étroite avec D. Tarisse, alors prieur de Cessenon, et depuis général de la congrégation de St-Maur. Après avoir terminé son cours, il rejoignit D. Tarisse à Cessenon, et il y passa trois ans, uniquement occupe de se perfectionner dans la connaissance des langues et des meilleurs écrivains de l’an-