Page:Michaud - Biographie universelle ancienne et moderne - 1843 - Tome 2.djvu/301

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
296
ARS

core moins, c’étaient la corruption, la perfidie, l’impiété ; ils ne pouvaient s’expliquer les récits d’Arsenne. Comme il venait de quitter un monde qui leur était inconnu et qui ne leur inspirait que des défiances, ils résolurent de le soumettre aux plus rudes épreuves, pour savoir si une vaine curiosité ne l’avait point amené dans le désert. St. Jean, surnommé le Nain, leur supérieur, s’assit avec ses frères pour prendre un peu de nourriture, et laissa Arsenne debout, sans faire attention à lui. Cette épreuve devait paraître dure a un homme élevé à la cour ; mais elle fut suivie d’une autre plus dure encore. Au milieu du repas, St. Jean prend un morceau de pain qu’il jette à terre devant Arsenne, en lui disant avec un air de mépris qu’il peut manger s’il a faim. Arsenne se couche à terre et mange dans cette posture. St. Jean, édifié de tant d’humilité, n’exigea plus d’autre épreuve : « Allez, dit-il aux frères, retournez dans vos cellules avec la bénédiction du Seigneur ; priez pour nous : cet homme est appelé a la vie religieuse. » Dés lors Arsenne prit sa place parmi les pères du désert. Comme les autres anachorètes, il faisait des nattes et des ouvrages de jonc, se nourrissait de pain noir, et couchait sur la terre. Cependant Théodose, affligé de sa fuite, le fit chercher dans tout son empire. Après la mort de ce prince, Arcadius, qui lui succéda, n’oublia pas non plus Arsenne, et voulut le rappeler a la cour. Ayant appris qu’il était dans les déserts de Sceté, il lui écrivit pour se recommander à ses prières. Dans sa lettre, il offrait de lui abandonner les tributs de l’Égypte, pour être employés aux besoins des monastères et au soulagement des pauvres ; le pieux cénobite se contenta de répondre à l’envoyé de l’empereur : « Je prie Dieu qu’il nous pardonne à tous nos péchés ; quant à la distribution de l’argent, je ne suis point capable d’un tel emploi, étant déjà mort au monde. » De tous les moines de Sceté, il n’y en avait point qui fût plus pauvre, plus humble, plus mal nourri et plus mal vêtu que l’ancien gouverneur d’Arcade. Dans une longue maladie, il fut secouru par la charité de ses frères, et transporté dans un logement plus commode que le sien ; on le coucha sur un lit de peaux de bêtes ; un oreiller fut placé sous sa tête affaiblie ; un des moines, étant venu le voir, se scandalisa de le trouver ainsi couché, et s’écria qu’il ne reconnaissait pas le père Arsenne. Le supérieur demanda alors au moine qui montrait cette surprise quelle avait été sa profession avant d’être cénohite ? « J’étais berger, répondit-il, et j’avais beaucoup de peine à vivre. — Vous voyez l’abbé Arsenne, répliqua le supérieur ; il fut le père des empereurs ; il avait à sa suite cent esclaves habillés de soie ; il était mollement couché sur des lits magnifiques ; pour vous, qui étiez berger, vous vous trouviez plus mal à votre aise dans le monde qu’ici. » Le bon moine, touché de ces paroles, s’humilia et se retira plein de respect pour Arsenne. Un des officiers de l’empereur apporta un jour à Arsenne le testament d’un sénateur de ses parents, qui lui donnait tous ses biens ; le solitaire refusa l’héritage, en disant : « Je suis mort avant mon parent ; je ne puis être son héritier. » Il continua à vivre dans la pauvreté et la mortification ; lorsqu’il se ressouvenait des jours qu’il avait passés à la cour des empereurs, il ne pouvait retenir ses larmes, et rien ne pouvait l’arracher a sa solitude, ni le détourner de la pensée de Dieu. Un jour, une dame romaine nommée Mélanie, qui avait quitté Rome pour voir le père Arsenne, parut à la porte de sa cellule et se jeta a ses pieds ; le serviteur de Dieu lui dit : « Une femme ne doit point quitter sa maison et traverser les mers pour satisfaire une vaine curiosité. » Mélanie, toujours prosternée, le conjura de se souvenir d’elle et de prier pour sa sanctification. « Je prie Dieu, lui répondit-il, de ne jamais me ressouvenir de vous. » Il s’éloigna plein de trouble et les yeux mouillés de pleurs. Arsenne avait un goût si profond pour la retraite, qu’il évitait jusqu’à la société de ses frères du désert ; il ne leur parlait presque jamais : « Je me suis toujours repenti, disait-il, d’avoir conversé avec les hommes, et jamais d’avoir gardé le silence. » Il recevait néanmoins les avis des plus simples d’entre les moines. « J’ai eu la science des Grecs et des Romains ; mais les hommes les plus simples sont plus avancés que moi dans la science de la vertu. Les hommes simples sont ceux qui plaisent à Dieu, car il veut des âmes qui ne soient pas toujours devant un miroir, pour se composer avec art. » Arsenne avait quarante ans lorsqu’il quitta la cour de Constantinople ; après avoir passé plusieurs années dans le désert de Sceté, il fut obligé de le quitter quelque temps, a cause d’une irruption que firent les Masiques, peuple barbare de la Libye. Le danger passé, il revint dans sa cellule ; mais il fut obligé de l’abandonner pour toujours vers l’an 434, à cause d’une seconde irruption des barbares qui massacrèrent plusieurs ermites. Il se retira d’abord sur le roc de Troë, ou Pura, vis-a-vis de Memphis, et dix ans après à Canope, prés d’Alexandrie. Le voisinage d’une ville lui fit regretter le désert ; il revint à Troë, où il mourut. Voyant approcher sa dernière heure, il fondait en larmes. « Vous craignez donc de mourir ? lui dit un de ses disciples.—J’avoue, répondit-il, que je suis saisi de crainte, et que cette crainte ne m’a point quitté depuis que je suis dans le désert. » Il était âgé de 95 ans et en avait vécu cinquante dans la solitude. Les compagnons d’Arsenne lui donnèrent la sépulture, en disant : « Heureux Arsenne d’avoir pleuré sur lui-même tant qu’il était sur la terre ! » St. Arsenne a été souvent cité comme le modèle de la vie monastique. Il est nommé sous le 19 juillet dans le martyrologe romain. M-d.


ARSÈS, le plus jeune des fils d’Artaxercès Ochus, fut placé sur le trône par Peunuque Bagoas, qui avait fait périr son père et ses frères vers l’an 436 avant J.-C. Il n’en jouit pas longtemps ; car le même Bagoas, voyant qu’il prenait des mesures pour le punir, le fit mourir dans la 5e année de son règne. C-r.


ARSILLI (François), de Sinigaglia, dans le du-