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diacre, prêtre, patriarche, et couronna son souverain. Lascaris en mourant, quatre ans après, le chargea, conjointement avec Muzalon, de la tutelle du jeune empereur Jean Lascaris. Mais Muzalon ayant été assassiné, et Michel Paléologue s’étant emparé peu à peu de toute l’autorité, Arsène prévit le sort qui menaçait son pupille, sans avoir assez de talent ni de caractère pour s’opposer aux desseins de Paléologue ; tout ce qu’il put faire fut de se retirer avec éclat dans un monastère près de Nicée. Michel le fit déposer et fit élire Nicéphore en sa place. L’église grecque se divisa entre ces deux patriarches. Cependant, en 1261, après avoir repris Constantinople sur les Latins, Michel rétablit Arsène, qui le couronna dans Ste-Sophie, et qui bientôt s’en repentit amèrement, lorsque Paléologue eut fait crever les yeux au jeune Lascaris. Arsène, tendrement attaché à son pupille, éclata sans ménagement et excommunia l’empereur. Celui-ci feignit de fléchir et témoigna plus d’égards pour Arsène ; mais la hauteur imprudente et l’inflexibilité du patriarche irritèrent de nouveau Michel, qui, s’étant assuré du consentement de plusieurs évêques, convoqua, en 1266, un concile dans lequel Arsène fut condamné et déposé. Il reçut son arrêt avec fermeté, et fut transporté, la nuit suivante, dans l’île de Procennèze, où on le garda étroitement. Le schisme recommença avec plus de fureur. En 1267, les ennemis d’Arsène l’accusèrent d’avoir trempé dans une conjuration contre Michel, qui le fit interroger dans son exil ; mais l’état misérable du patriarche et sa justification noble et vigoureuse persuadèrent l’empereur de son innocence et firent apporter quelques adoucissements à son sort. Arsène mourut dans son exil, le 30 septembre 1273, et laissa, dans son testament qui nous est parvenu, des preuves de son inflexibilité et de sa haine contre Paléologue. On a encore de ce patriarche un recueil de canons, rapprochés des lois des empereurs, avec des notes tendant il en établir la concordance. L-S-e.


ARSÉNIUS, fils de Michel Apostolius (voy. ce nom). Dans son enfance il s’appelait Aristobule ; mais, suivant l’usage des Grecs, il prit le nom d’Arsénius lorsque Léon X l’eut nommé à l’archevêché de Monembasie ou Malversie. Depuis longtemps il se proposait de publier un recueil, formé par son père, des meilleures pièces des différents auteurs grecs. Il en fit paraître un extrait petit in-8o, sans date, sous ce titre : Præclara dicta philosophorum, imperatorum et poetarum, ab Arsenio, Monembasæ archiepiscopo, collecta, græce. Ce rare volume, dont on trouve la description dans le Manuel du libraire de M. Brunet, doit être antérieur a l’année 1522, puisqu’il est dédié au pape Léon X. La bibliothèque du St-Synode, à Moscou, possédait une copie de cet ouvrage, beaucoup plus ample que l’imprimé. Arsénius avait publié dans sa jeunesse la Galéomyomachie (le Combat des chats et des rats), espèce de tragédie burlesque en vers alambiques, dont il ne connaissait pas l’auteur : on sait maintenant qu’elle est de Théodore Prodrome. (Voy. ce nom.) il entretenait un commerce épistolaire avec le pape Paul III, et il lui offrit la dédicace de ses scolies sur les sept tragédies d’Euripide, Venise, 1534, in-8o. Ses liaisons avec la cour de Rome ne pouvaient manquer de le rendre odieux aux Grecs schismatiques, et Pacôme, patriarche de Constantinople, finit par l’excommunier. Arsénius vint alors chercher un asile a Venise, et il y mourut en 1535. C’était une croyance établie parmi les Grecs qu’après sa mort il était tombé au pouvoir du démon, qui ranimait son cadavre pendant la nuit, et l’obligeait à commettre toutes sortes d’excès. (Voy. Guillet de St-George, Lacédémone ancienne et nouvelle, p. 527, édition de 1679.) On peut consulter, pour plus de détails, les Mélanges de Chardon de la Rochette, t. 1, p. 238-41. W-s.


ARSENNE, saint anachorète en Égypte, naquit à Rome vers la fin du 4e siècle, d’une famille alliée à plusieurs sénateurs. Des son enfance, il se montra plein d’ardeur pour l’étude et pour la pratique de la vertu, et se rendit bientôt habile dans la connaissance des auteurs grecs et latins, et de l’Écriture sainte. Ayant embrassé l’état ecclésiastique, il fut ordonné diacre et vécut longtemps dans la retraite ; mais l’empereur Théodose le Grand cherchant un gouverneur pour l’éducation de ses enfants, son choix tomba sur Arsenne, qui fut élevé à la dignité de sénateur et nommé tuteur des jeunes princes. L’empereur voulut qu’Arsenne eût un train magnifique, et cent domestiques, richement habillés, furent attachés a son service. Un jour que Théodose était allé voir les jeunes princes pendant leurs études, il les trouva assis, tandis qu’Arsenne était debout devant eux ; il fit de vifs reproches à ses enfants, les dépouilla pour quelque temps des marques de leur dignité, et ordonna que pendant leurs leçons ils fussent debout et Arsenne assis. Mais tous ces honneurs ne remplissaient point le cœur d’Arsenne. Doué d’une âme vive et tendre, et peut-être en secret tourmenté par une passion que sa piété cherchait à étouffer, il ne soupirait qu’après la solitude. Un jour, Arcadius, un des enfants de Théodose, ayant commis une faute, Arsenne voulut l’en punir ; mais le jeune prince n’en devint que plus indocile et plus opiniâtre. Arsenne profita de cette occasion pour quitter la cour ; il s’embarqua secrètement sur un vaisseau qui faisait voile pour Alexandrie, d’où il se rendit dans le désert de Sceté pour y vivre en anachorète. L’empire romain s’écroulait alors sous les coups des barbares ; le monde était ravagé par tous les genres de fléaux, et ne présentait partout que le spectacle de la plus honteuse barbarie. Dans cet affreux désordre, beaucoup de chrétiens oublièrent ces paroles de l’Écriture : Il n’est pas bon que l’homme soit seul, et se réfugièrent dans les lieux écartés. Lorsqu’Arsenne arriva dans le désert de Sceté, et qu’il parla de la cour de Constantinople aux anachorètes depuis longtemps retirés du monde, il leur causa la plus vive surprise : dans leur simplicité, ils ne concevaient pas que des hommes s’occupassent a bâtir des villes, recherchassent les pompes et la vaine gloire, et daignassent occuper des trônes ; mais ce qu’ils comprenaient en-