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en eut ouvert les portes, en prononçant la clôture de la liste des émigrés. Alors il réclame auprès du gouvernement consulaire le paiement des frais de sa mission ; mais il éprouva beaucoup de difficultés. Il écrivait au ministre des finances : « À l’époque de cette réunion, ma mission a été terminée de fait et non de droit, puisqu’il est de principe en diplomatie que tout envoyé dans les cours étrangères ne peut et ne doit revenir sans un rappel notaire, Ce rappel, je n’ai cessé de le demander, et je n’ai pu l’obtenir. Je suis revenu, lorsque cela m’a été possible, lorsque cela m’a été permis. selon les expressions du citoyen Talleyrand, ministre des relations extérieures, dans un mémoire imprimé où il a retrace sa situation à peu prés semblable à la mienne. » Arnavon se plaignait du silence qu’avaient gardé toutes les administrations sur ses demandes continuelles de rappel ou de passe-port. Il exposait qu’il n’avait pas reçu un écu pour toutes les dépenses faites dans sa mission ; que d’ailleurs il ne devait être payé de la totalité de sa dette qu’en bons consolidés ; et il demandait une somme en numéraire, « laquelle, disait-il, acquitterait tout ce qui peut m’être dû[1]. » Il paraît que cette demande ne fut point accueillie. Mais lorsque le culte eut été rétabli en France (avril 1802), Arnavon fut nommé chanoine titulaire de l’église de Paris ; il obtint aussi le titre honorifique de vicaire général de l’archevèque de Corfou. Des lors il ne s’occupa plus que de travaux littéraires, et publia successivement, sans y attacher son nom, trois ouvrages dont voici les titres : 1o  Pétrarque à Vaucluse, prince de la poésie lyrique italienne, orateur et philosophe le plus renommé de son siècle, et non moins célèbre par la constance de sa passion pour la vertueuse Laure, Paris, Gillé, an 11 (1803), in-8o ; nouv. édit., Paris, Lenormand, 1805, in-8o ; 2o  Voyage à Vaucluse, Paris et Avignon, 1804, in-8o ; 3o  Retour de la fontaine de Vaucluse, contenant l’histoire de cette source, et tout ce qui est digne d’observation dans cette contrée, Paris, Debray, 1803, in-8o. À l’époque de la restauration, l’abbé Arnavon voulut rappeler à Louis XVIII son voyage à Vaucluse en 1777 ; il réunit ses trois ouvrages sous un même frontispice, et les dédia au prince. Il avait trouvé d’amples matériaux dans les Mémoires sur la vie de F. Pétrarque, publiés par l’abbé de Sade en 1764, 3 vol. in-4o. Les détails qu’il a rassemblés sur Pétrarque et sur Vaucluse sont intéressants ; mais ils pourraient être disposés dans un meilleur ordre, et le style manque trop souvent d’élégance et de couleur. Sa dissertation sur les biographes de Pétrarque, et sur l’état des lettres et des arts dans le siècle où il a vécu, est incomplète et très-superficielle. François Arnavon est mort doyen du chapitre de Paris, le 25 novembre 1824, âge de plus de 84 ans. V-ve.


ARNAY (… d’), littérateur modeste et laborieux, sur lequel on n’a que des renseignements incomplets, professait, au milieu du 18e siècle, les belles-lettres et l’histoire a l’académie de Lausanne. On lui doit un ouvrage estimable : de la Vie privée des Romains, Lausanne, 1732, in-12 ; réimprimé avec des additions, ibid., 1757 ou 1758, in-12, et sous le titre d’Habitudes et mœurs privées des Romains, Paris, 1795, in-8o. On en a des traductions en allemand, en anglais, en polonais et en suédois. La France littéraire lui attribue la traduction française des Opuscula anatomica de Haller, Lausanne, 1760, in-8o. Il mourut avant 1780. Ou l’a confondu quelquefois avec d’Arnay ou d’Arnay (Simon-Auguste). Celui-ci, né, vers 1750, à Milden, dans le canton de Berne, fut d’abord instituteur en Hollande. De retour en Suisse, il fut attaché, depuis 1788, comme traducteur, à la chancellerie de Berne, jusqu’à l’occupation de cette ville par les Français, en 1798. À cette époque, obligé d’abandonner son pays, il vint chercher un asile en Allemagne. Nommé précepteur du prince héréditaire de Bade, il était en 1802 a Carlsruhe, et l’on peut conjecturer qu’il y mourut peu d’années après. D’Arnay a été le principal rédacteur de la Gazette de Berne, pendant qu’il habitait cette ville. Il a traduit de l’allemand en français un assez grand nombre d’ouvrages ; de Pfanenschmidt : Essai sur la manière de mélanger et de composer toutes les couleurs, Lausanne, 1784, in-8o ; — de Busching : Caractère de Frédéric le Grand, Berne, 1788, in-8o ; — d’Archenholz : Histoire de la guerre de sept ans, ibid., 1789, in-8o ; — de Campe : Recueil de voyages pour l’instruction et l’amusement des enfants, ibid., 1788-1792, 8 vol. in-12, et le Nouveau Robinson, ibid., 1794, in-8o ; — de Haller : Fragments d’un roman politique (Usong) sur le gouvernement aristocratique, ibid., 1791, in-8o ; — Christophe de Schiller : Histoire de la guerre de trente ans, ibid., 1794, 2 vol. in-8o ;- Avis aux voyageurs en Suisse, ibid., 1796, in-8o, On en a outre de d’Arnay : Lettres d’un observateur impartial sur les troubles actuels de la Hollande, 1787, in-8o. W-s.


ARND (Jean), un des théologiens de la communion luthérienne qui ont le plus contribué à donner à l’instruction religieuse une tendance pratique. Il naquit à Ballenstadt, dans le duché d’Anhalt, en 1555. Il étudia d’abord la médecine, et c’est apparemment à ces premières études qu’on doit les fréquentes allusions à la mauvaise chimie de son temps, qui jettent de l’obscurité sur un grand nombre de passages de ses écrits, et qui leur ont donné une teinte de mysticité. Une dangereuse maladie lui fit, dit-on, embrasser la carrière théologique, dans laquelle il se distingua par une charité inépuisable, qui, d’après la modicité de sa fortune, lui valut la réputation d’avoir trouvé la pierre philosophale, et par des écrits ascétiques pleins d’onction et de chaleur, dont le plus connu, intitulé : du vrai Christianisme, a été traduit en latin, en français par Samuel de Beauval, et dans presque toutes les langues de l’Europe et de l’Asie. Ce livre, dont les expressions ne sont pas toujours réglées avec rigueur sur la théologie luthérienne, lui attira de vifs reproches de la part de quelques théologiens de cette communion, surtout de Luc Osiander. Il mourut à Zell, en 1621,

  1. Collection d’autographes de l’auteur de cet article.