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de clerc, qualité que Pou donnait non-seulement aux ecclésiastiques, mais aussi aux laïcs qui remplissaient des fonctions assez semblables à celles des notaires, il pensa qu’avec une figure agréable et quelques talents pour la poésie, il se distinguerait dans le monde. Il fut en effet très, bien accueilli à la cour d’Adélaïde, comtesse de Béziers, femme de Roger II, vicomte de Béziers, surnommé Taillefer. Selon l’usage, Amand célébra la beauté et les grâces de sa bienfaitrice ; mais ces éloges, d’abord dictés par la reconnaissance, furent bientôt inspirés par la passion la plus vive. Plusieurs pièces de vers très-longues peignent ses sentiments et ses espérances, et, lors même qu’il se plaint de l’exagération de ses confrères, il épuise les comparaisons. « La fraîcheur de l’air, l’émail des prés, le coloris des fleurs, en me retraçant quelques-uns de ses appas, m’invitent sans cesse à la chanter. Grâce aux exagérations des troubadours, je puis la louer autant qu’elle en est digne ; je puis dire impunément qu’elle est la plus belle dame de l’univers. S’ils n’avaient pas prodigué cent fois cet éloge à qui ne le méritait point, je n’oserais le donner a celle que j’aime : ce serait la nommer. » Il est difficile, quand on chante aussi longuement, de ne pas commettre quelques indiscrétions. Adélaïde fut obligée d’éloigner son troubadour : il se retira à la cour du seigneur de Montpellier, où, après avoir exhalé ses regrets et ses remords, il composa une pièce d’environ quatre cents vers, dans laquelle il semble avoir pour objet d’enseigner l’art de se conduire dans le monde. Cette épître morale parait être la dernière production de ce poëte : elle offre quelques traits qui peignent les mœurs du temps ; mais, amoureux ou moraliste, Amand de Marveil fut toujours très-diffus. Ce troubadour dut le nom de Marveilh ou Marvelh à celui d’un château du Périgord, dans lequel, il était né. P-x.


ARNAUD (Daniel), troubadour du 12e siècle, né de parents nobles, au château de Ribeyrac, en Périgord. Si l’on juge du mérite de ce poëte par les pièces qu’on a recueillies de lui, on aura de la peine à lui accorder la préférence sur d’autres troubadours de son temps ; cependant les anciens auteurs italiens semblent lui assigner le premier rang : le Dante surtout le cite comme le poëte qui faisait le mieux des vers tendres en langue romance provençale, et ne prise pas moins la prose de ses romans. Pétrarque, qui le place à la tête des poètes provençaux, l’appelle le grand maître d’amour ; l’amant de Laure a même terminé une stance d’une de ses chansons par un des vers d’Arnaud Daniel ; à la vérité, on a prétendu que ce vers n’était point de ce troubadour, et ce doute est l’objet d’une longue digression qu’on peut lire dans l’ouvrage de Crescimbeni. Il parait, au reste, que les meilleures pièces de ce poète ont été perdues, puisque celles qui nous restent ne pourraient soutenir la comparaison, du côté de l’imagination et de la grâce, avec celles de quelques-uns de ses contemporains. Arnaud Daniel est l’inventeur d’un genre de composition nommé sestine, dont le mérite consiste dans certaines combinaisons et répétitions : il attachait surtout beaucoup d’importance à la rime. Il joignait au talent de la poésie celui de faire les airs de ses chansons, qu’il exécutait aussi bien que le meilleur jongleur. P-x.


ARNAUD DE MARSAN, troubadour, sur la vie duquel on n’a point de détails, mais que Millot suppose appartenir à l’illustre maison de Marsan. On peut croire en effet, d’après la pièce qui nous reste, que ce poëte, qui florissait sans doute vers la fin du 13e siècle, joignait l’éclat d’un grand nom à celui du talent. Cette pièce est très-curieuse, parce qu’elle peint les modes, et la manière de vivre des grands seigneurs du temps : c’est une espèce d’instruction de chevalerie dont Millot donne un long extrait dans son Histoire littéraire des Troubadours. Cette instruction est remarquable en ce qu’elle ne contient aucun conseil dont l’honnêteté puisse s’offenser, ce qui est fort remarquable dans les pièces du même genre et du même temps. P-x.


ARNAUD DE TINTIGNAC, troubadour du 14e siècle, que Nostradamus nomme, avec raison, Arnaut de Cotignac, naquit sans fortune, et dut à ses talents poétiques la faveur de Louis, roi de Sicile et comte de Provence, qui l’employa dans des négociations dont le succès fut récompensé par le fief de Cotignac. Il fut moins heureux en amour ; n’ayant pu faire agréer ses vœux à Isnarde, fille du seigneur d’Antravènes, il se décida à voyager dans le Levant. Les trois chansons qu’on nous a conservées de ce troubadour justifient assez l’indifférence d’Isnarde. Raynouard en a publié des extraits. On a été obligé de tirer ces détails de Nostradamus, historien peu digne de foi, et que Crescimbeni a consulté. Papon, dont l’opinion a plus de poids, présume qu’Arnaud était frère ou neveu de Guillaume de Cotignac, administrateur du comté de Provence, après la mort de Raimond Bérenger. P-x.


ARNAUD DE BRESCIA, né au commencement du 12e siècle, vint en France dans sa jeunesse, et fut disciple d’Abailard. Il s’élevait alors des opinions nouvelles qui entraînaient les meilleurs esprits ; et St. Bernard s’en plaint dans plusieurs de ses lettres. Cet amour des nouveautés dangereuses enflamma l’imagination d’Arnaud et égara son zèle. Il quitta l’école d’Abailard pour retourner en Italie, où il prit l’habit monastique, et chercha bientôt à se faire un nom en prêchant la réforme du clergé, qui était alors fort corrompu : déjà l’abbé de Cîteaux et quelques autres avaient entrepris de le réformer ; Arnaud alla beaucoup plus loin, il voulut le dépouiller de tous ses biens temporels, et le ramener au temps de la primitive Église ; il eut pour lui les nobles, jaloux de la puissance des prêtres, et le peuple, toujours prêt à adopter les opinions qui tendent a dépouiller les riches. Sa doctrine fit fermenter toutes les têtes, et le premier succès de ses prédications fut une révolte du peuple de Brescia contre son évêque. Le clergé porta de toutes parts ses plaintes au pape, qui, dans le second concile de Latran, en 1139, condamna la doctrine d’Arnaud, et ordonna qu’il fût enfermé. Poursuivi par les foudres de Rome, Arnaud quitta l’Italie, et vint à Zurich, où il déclama avec