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18e siècle. Depuis sa mort, il a été fait beaucoup d’éditions de ses œuvres ; les meilleures sont celles qui ont été publiées avec des augmentations, par Boucher d’Argis, Paris, 1755,1762, 1771 et 1788, 2 vol. in-12. M-x.


ARGUELLES (don Jose Canga). Voyez Canga.


ARGUES (Gérard des). Voyez Desargues.


ARGUIZO (Juan des), poëte espagnol, naquit dans le 16e siècle, à Séville, d’une famille distinguée. Doué d’un goût très-vif pour la littérature, il composa quelques pièces de vers qui suffirent pour lui faire une grande réputation. Il jouait de plusieurs instruments avec une rare perfection, et nul ne savait mieux que lui diriger un concert ou chanter en s’accompagnant du sistre ou de la guitare. Mais la générosité d’Arguizo surpassait encore ses talents. Possesseur d’une fortune considérable[1], il l’employa tout entière à favoriser les progrès des arts, et mit si peu de mesure dans ses libéralités, qu’à la fin il se trouva réduit à la dot de sa femme pour tout bien. Il mourut vers 1620. Les poëtes qu’il avait comblés de bienfaits lui décernèrent à l’envi les titres les plus magnifiques. Lope de Vega, qui lui a dédié plusieurs de ses ouvrages, nomme d’Arguizo le Mécène et l’Apollon de l’Espagne. Ses poésies peu nombreuses sont éparses dans divers cancionerie. Ses sonnets ne sont pas sans mérite, selon Butterweck. On trouve dans le tome 9 du Parnaso Español une chanson inédite de l’Arguizo sur la mort d’un de ses amis, en 70 stances. Cette pièce, suivant l’éditeur, est un modèle par la noblesse des pensées, la beauté des images et l’élégance du style. W-s.


ARGYLE (le comte d’), chef de l’insurrection des covenantaires écossais sous Jacques II, était issu de l’ancienne et illustre famille des Campbell, et obtint très-jeune le titre de lord Lorn. Son père, le marquis d’Argyle, fut aussi un des principaux meneurs du parti que nous venons de nommer. Il se mit, en 1645, a la tête de 3,000 hommes pour agir contre les royalistes, fut surpris à Innerslocky par Montrose, et chercha son salut dans la fuite. Amnistié en 1651 par Charles II, il montra d’abord une grande déférence pour ce monarque, puis se déclara contre lui, en obtint un second pardon, le trahit de nouveau, et expia enfin tant de perfidies sur l’échafaud, en 1660. Dans sa jeunesse, lord Lorn, bien loin d’imiter l’exemple de son père, se fit remarquer par un dévouement sans bornes à la famille royale. Les historiens citent des faits qui ne permettent pas le moindre doute a cet égard. L’assemblée des états lui ayant envoyé le brevet de colonel, il refusa d’entrer en fonctions jusqu’à ce que sa nomination eût été confirmée par le roi Charles II. Pendant le séjour de ce prince en Écosse, il exposa plusieurs fois sa vie pour le servir ; et lorsque, plus tard, il combattit contre les Anglais victorieux, il ne voulut se soumettre à aucune capitulation avant d’en avoir reçu l’ordre formel du monarque exilé. De pareils faits durent attirer sur lui des persécutions de la part des républicains : il fut mis en prison sous un prétexte frivole, et ne recouvra sa liberté qu’à la restauration. Charles II, à qui le malheur n’avait point fait oublier les services de lord Lorn, lui rendit la majeure partie des biens confisqués sur son père, et peu de temps après il le créa comte d’Argyle. Mais ces faveurs et l’amitié dont le monarque ne cessait de l’honorer excitèrent la jalousie des courtisans. Une lettre à son ami lord Diffus, dans laquelle il parlait un peu librement des ministres du roi, ayant été interceptée, on se hâta de la dénoncer au parlement d’Écosse. Ce corps traduisit Argyle à sa barre ; et, ressuscitant une vieille loi sur diffamation (leasing-making), qui était tombée en désuétude depuis très-longtemps, il le condamna à la pleine de mort. Cet arrêt, comme on le pense bien, fut annulé par Charles II ; mais Argyle n’en avait pas moins subi un emprisonnement de plus d’un an. Dés le retour en Angleterre du duc d’York (depuis Jacques II), il eut souvent à combattre les projets de la cour tendant à favoriser ce qu’on était convenu d’appeler l’envahissement du papisme ; mais, quelque zélé qu’il fût pour la religion protestante, son opposition ne passa jamais les bornes de la modération. Lorsque, plus tard, les partisans du bill qui avait pour objet de fermer l’accès du trône au duc d’York furent écartés, on convoqua le parlement d’Écosse, et ce prince fut chargé de l’ouvrir au nom du souverain. Le parlement, après avoir voté le fameux bill de la succession directe, s’occupa d’obtenir des garanties pour le culte protestant. Un bill fut proposé, portant que tous les employés civils et militaires seraient tenus de prêter un serment, dit le test, par lequel ils affirmeraient leur inviolable attachement au protestantisme. Le parti de la cour y ajouta deux clauses : 1° qu’on jurerait aussi de ne jamais prendre part à aucune résistance de quelque nature qu’elle fût, de renoncer au covenant et de ne jamais concourir à une réforme dans l’Église ou dans l’État ; 2° que les princes du sang seraient exemptes du serment dont il s’agissait. Ces deux clauses furent combattues par les protestants, et notamment par le comte d’Argyle, qui parla contre la dernière avec beaucoup de véhémence. Il dit que le plus grand danger du papisme était qu’un membre de la famille royale s’y laissât entraîner, et qu’il aimait mieux n’avoir pas de test que de l’obtenir avec une pareille exception. Cette opinion, qui, du reste, ne fut point goûtée, sur le bill passa avec tous ses articles, blessa profondément le duc d’York, et Argyle n’en ressentit que trop tôt les funestes conséquences[2]. Lorsqu’il eut lui-même a prêter le serment du test comme membre du conseil privé, il crut devoir faire la déclaration suivante : « J’ai mûrement réfléchi sur l’acte qui m’est proposé, et j’ai le désir le plus vrai de porter l’obéissance aussi loin qu’elle peut aller. Je ne puis croire que le parlement ait jamais eu l’intention de prescrire des serments contradictoire, et, persuadé que nul homme n’a le droit de les interpréter pour un autre, je prête celui qui

  1. Il jouissait de 1800 ducats de rentes.
  2. Ce n’est qu’en 1828 que le serment du test a été aboli en entier. Mais, depuis 1817, un acte du parlement en avait exempté les officiers catholiques de l’armée de terre et de mer.