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ANN

paix de Clément IX, dont on avait eu la précaution de lui cacher les négociations, furent sans succès. Le P. Annat composa un grand nombre d’écrits polémiques, principalement sur cette contestation, les uns en latin, recueillis en 5 vol. in-4o, Paris, 1666 ; les autres en mauvais français. Le plus singulier est intitulé : le Rabat-joie des Jansénistes, ou Observations sur le miracle qu’on dit être arrivé à Port-Royal. Ils furent, pour la plupart, réfutés par Arnauld, Nicole et Pascal. C’est à lui que ce dernier adressa les 17° et 18e Provinciales. Les ouvrages d’Annat ne méritent guère d’être tirés de l’oubli où ils sont tombés, avec les querelles dont ils étaient l’objet. — Le neveu du P. Annat, général de la congrégation de la doctrine chrétienne, a publié un Apparat méthodique pour la théologie, en latin, imprimé en 1700 et réimprimé en 1705, 2 vol. in-4o, mis à l’index à Rome en 1714.

T-d.


ANNAYA (Pédro de), amiral portugais, fut chargé par le roi Emmanuel de former un établissement dans la ville de Sofala, sur la cote orientale d’Afrique, vis-à-vis l’ile de Madagascar. Annaya quitta les ports de Portugal en 1508, avec six vaisseaux. Sa navigation fut heureuse ; il surprit le roi de Sofala, qui fut obligé de donner à Annaya la permission de bâtir un fort dans ses États. Quelque temps après, le roi de Sofala, voulant se défaire d’hôtes aussi dangereux, saisit le moment où. Annaya avait détaché trois vaisseaux de sa flotte et où la garnison du nouveau fort était affaiblie par les maladies, et vint l’attaquer. Le général portugais, qui n’avait que trente hommes en état de porter les armes, le repoussa avec perte. La nuit suivante il vint fondre sur le palais et fut blessé par le roi lui-même, qui s’était caché derrière une porte ; mais ce malheureux prince fut tué sur-le-champ par les Portugais, ainsi que ceux qui entreprirent de le défendre. Annaya rétablit sur son trône un de ses fils, à qui il fit jurer une alliance inviolable avec la nation portugaise. Cette conquête a été effectuée à peu prés dans le temps où François d’Almeyda, premier vice-roi des Indes orientales, s’emparait des villes de Quiloa et Mombaza, sur la côte d’Afrique, à une petite distance au sud de Sofala.

R-l.


ANNE. L’Ancien et le Nouveau Testament parlent de plusieurs femmes de ce nom ; la plus célèbre de toutes est Ste. Anne, dont le nom hébraïque Channah signifie gracieuse. Ayant épousé St. Joachim, elle devint mère de la sainte Vierge. Dès les premiers siècles de l’Église, cette sainte fut honorée, ainsi que son époux. Les empereurs Justinien Ier et Justinien II fondèrent des églises en son honneur. On assure qu’en 710 son corps fut apporté de la Palestine à Constanlinople. Plusieurs églises d’occident se vantent d’avoir quelques-unes de ses reliques ; mais ces prétentions ne paraissent pas plus fondées que les récits consignés dans les légendes, à l’égard de cette sainte, dont la vie est peu connue. St. Épiphane est le premier Père de l’Église qui nous ait appris son nom. La mère du prophète Samuel portait aussi le nom d’Anne, ainsi que la femme de Tobie. St. Luc fait mention d’Anne la prophétesse, fille de Phanuel, de la tribu d’Aser, qui avait quatre-vingt-quatre ans lorsque la sainte Vierge offrit Jésus-Christ au temple, et qui se joignit au vieillard Siméon pour prédire les merveilles que le Messie allait opérer.

D-t.


ANNE Comnène, fille de l’empereur Alexis Ier et de l’impératrice Irène Ducas, naquit le 1er décembre 1085. Elle raconte elle-même les prodiges qui accompagnèrent sa naissance avec une bonne foi qui montre bien l’esprit superstitieux de son siècle et de sa nation. Alexis était hors de Constantinople, occupé d’une guerre contre les Turcs, lorsque Irène, sentant les douleurs de l’enfantement, fit une croix sur son ventre et prononça ces paroles : « Petit enfant, attends le retour de ton père. » Anne, près de voir le jour, obéit, et ne vint au monde que lorsqu’Alexis fut de retour, « rare docilité qui fut, dit-elle, comme le prélude de l’obéissance qu’elle devait montrer à ses parents, lorsqu’elle en serait devenue capable. » Alexis ne négligea rien pour l’éducation de sa fille, qui étudia l’éloquence, la poésie, les mathématiques, la physique, la philosophie de Platon et d’Aristote, et surpassa bientôt en savoir les plus habiles de ses maîtres. Ses grâces et son esprit faisaient l’admiration de la cour. Elle était encore dans l’enfance lorsqu’elle fut demandée en mariage par Maleksha, sultan de Perse. Les Turcs devenaient chaque jour plus redoutables ; Alexis, n’osant pas refuser ouvertement sa fille à leur chef, fit traîner la négociation en longueur, et la fortune vint enfin le soustraire à la honte d’avoir un gendre parmi les ennemis du nom chrétien. Anne Comnène épousa dans la suite Nicéphore Bryenne, homme qui réunissait à une haute naissance un rare savoir et le talent d’écrire. La culture des lettres avait donné à Bryenne l’amour de la paix et de l’obscurité, tandis qu’elle avait exalté l’esprit d’Anne Comnène, et réveillé dans son âme la passion du changement et l’impatience de régner. Dans la dernière maladie d’Alexis, elle alla se jeter à ses genoux pour l’engager à déshériter son fils Jean et à choisir Nicéphore Bryenne pour son successeur ; Alexis rejeta les prières d’une fille ambitieuse et laissa la pourpre a son fils. Quelque temps après la mort de son père, Anne, se ressouvenant peu de ce qu’elle devait à ses parents et des prodiges qui, dans le sein de sa mère, l’avaient annoncée comme un modèle île soumission, se mit à la tête d’une conjuration pour détrôner son frère Jean et pour faire monter son mari sur le trône. « Femme philosophe, dit Lebeau, elle avait dans son parti tous les philosophes de l’empire, qui, prosternés à ses pieds et la comblant d’éloges outrés, déclamaient sans cesse contre la flatterie et l’adulation. » Ses trésors et ses intrigues avaient corrompu la garde du palais, et les portes devaient s’ouvrir à une certaine heure de la nuit pour l’exécution du complot. Tout était prêt ; les conjurés n’attendaient plus que Nicéphore Bryenne ; mais, retenu par la crainte ou par le remords, il ne parut point et fit échouer la conspiration. Anne, au désespoir, ne put retenir sa colère ; elle s’emporta contre