Page:Michaud - Biographie universelle ancienne et moderne - 1843 - Tome 2.djvu/164

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
159
ARC

Abcessu, uteri Exulceratione, uteri Caneris. Selon Suidas, Archigène mourut à 73 ans, la dernière année du règne de Trajan. G. et A-n.


ARCHILOQUE, poëte grec, né à Paros, l’une des Cyclades, vers l’an 700 avant J.-C., d’une famille des plus illustres de cette île, mais dont l’éclat fut terni par son père Télésiclés, qui épousa l’esclave Enipo. Cest a cette union si disproportionnée qu’Archiloque dut sa naissance. Il porta d’abord les armes ; mais il ne nous donne pas une grande idée de sa bravoure, en nous apprenant qu’il prit la fuite dans un combat, et que, pour être plus léger à la course, il laissa son bouclier sur le champ de bataille. Il fut plus redoutable la plume à la main. La fureur avec laquelle il se déchaîna contre Lycambe, qui, malgré sa promesse, donna sa fille Néobulé à un concurrent plus riche, était si forte, que ce bon homme, désolé de se voir déchiré cruellement dans des vers que tout le monde chantait, se pendit de désespoir, et son exemple fut suivi par ses trois filles. Fier de ce premier succès, Archiloque se livra sans réserve à son dangereux talent contre tous ceux de ses concitoyens qui avaient le malheur de lui déplaire. Cet acharnement lui suscita un grand nombre d’ennemis, et les désordres de sa vie licencieuse achevèrent de lui aliéner les esprits. Non content d’avoir séduit plusieurs filles et femmes de Paros, il rendit dans ses vers leur déshonneur public. Réduit enfin à la plus extrême misère, odieux a tout le monde, il alla chercher des ressources dans l’île de Thasos, colonie qui devait l’existence a son père, et pour laquelle il avait lui-même combattu. Les Thasiens le redoutaient trop pour remplir les devoirs de la reconnaissance aux dépens de leur tranquillité : il se vengea de leur ingratitude par des vers sanglants. Les Lacédémoniens ne voulurent pas lui permettre de coucher seulement dans leur ville ; mais les jeux olympiques ouvrirent un théâtre plus brillant à ses talents. Il y remporta la couronne par un hymne en l’honneur d’hercule, qu’il chanta lui-même, et dont les paroles et la musique étaient de sa composition. On le chantait encore du temps de Pindare pour célébrer les vainqueurs dans ces courses renommées. Ce triomphe réconcilia Archiloque avec sa patrie. Il y reporta son funeste talent pour la satire, et périt enfin par le fer de ceux qui étaient les objets de ses vers sanglants. L’oracle de Delphes s’intéressa à sa mort et obligea l’assassin d’apaiser ses mânes par des sacrifices. Les Pariens, qui l’avaient redouté vivant, le comblèrent d’honneurs après sa mort, et sa mémoire resta en vénération dans toute la Grèce. On célébrait tous les ans sa naissance comme celle d’Homère, et l’on chantait ses vers dans les fêtes publiques, comme ceux de ce père de la poésie, qui lui avait servi de modèle : l’un et l’autre passaient pour avoir atteint la perfection, chacun dans son genre. Les anciens vantaient dans Archiloque l’énergie du style, la vivacité des images, une précision pleine de sens, des sentiments élevés et une satire vigoureuse. Quintilien a dit de lui : Summa in eo vis, elegantes vibrantesque sententiæ ; plurimum sanguinis et nervorum, etc. ; mais ces grandes qualités étaient dégradées par des calomnies infâmes et par de honteuses obscénités. Ce sont ces défauts qui firent proscrire ses productions par la sévère Lacédémone, et qui obligèrent l’empereur Julien d’en interdire la lecture aux prêtres du paganisme. Cicéron faisait allusion aux traits mordants qu’ils renferment, en donnant le nom d’Archiloquia edicta aux placards injurieux affichés dans Rome contre César. La poésie grecque lui dut l’invention ou du moins la perfection des épisodes, des vers ïambes et scazons. Il était aussi excellent musicien que poëte, et cet art se perfectionna beaucoup par les changements qu’il y fit : on peut voir là-dessus une dissertation de P.-J. Burette dans le tome 10e des Mémoires de l’académie des inscriptions. Tous ses ouvrages ont été la proie du temps, à l’exception de quelques fragments qu’on a recueillis dans les Poëtes grecs de Genève, 1606 et 1514, in-fol., 2 vol. ; et dans les Analecta de Brunch, t. 1er, p. 40, et t. 3, p. 6 et 236. T-d.


ARCHIMÈDE, le plus célèbre des géomètres anciens, est peut-être celui de tous les savants qui a eu la réputation la plus étendue et la plus populaire, parce qu’à ses travaux sur les théories abstraites il a joint des inventions mécaniques d’une utilité frappante, et qu’il s’est trouve dans les circonstances les plus propres à les faire valoir. Il naquit à Syracuse vers l’an 287 avant l’ère chrétienne. Il était parent d’Hiéron, roi de cette ville ; mais il ne parait pas qu’il ait occupé aucune place dans le gouvernement : il s’est renfermé tout entier dans la culture des sciences. Considérons-le d’abord dans les progrès qu’il a fait faire aux théories mathématiques. Pour l’apprécier complétement sous ce rapport, il nous manque une connaissance exacte de l’état de la science avant lui et des travaux des géomètres qui l’ont précédé ; il ne nous reste de ce temps que les écrits d’Euclide et quelques fragments, ou plutôt des indications données par ses commentateurs, Théon et Proclus, et par Pappus, dans ses Collections mathématiques. Mais, quoi qu’il puisse devoir à ses devanciers, Archimède a enrichi la science de découvertes de la plus haute importance, et que l’on peut regarder comme la base sur laquelle les modernes se sont appuyés pour mesurer les espaces terminés par des lignes ou par des surfaces courbes. Dans ses Éléments, Euclide considère seulement le rapport que quelques grandeurs de cette espèce ont entre elles ; il ne dit rien sur leur mesure absolue, c’est-à-dire sur leur rapport avec les figures terminées par des lignes droites ou par des plans. À la vérité, le moyen employé pour parvenir au premier de ces rapports devait mettre sur la voie qui conduit au second ; néanmoins il y avait encore bien des propositions intermédiaires à développer : c’est ce qu’Archimède a fait dans ses traités de la sphère et du cylindre, des sphéroïdes et des conoïdes, et dans celui de la mesure du cercle. Il s’est élevé à des considérations encore plus difficiles dans son traité des spirales, courbes qui sont regardées aujourd’hui comme transcendantes, et dont il sut cependant mener les tangentes et mesurer les aires. Il y a lieu de penser que ce n’est point