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complissement de cette grande œuvre les ressources d’un caractère ferme et hardi et d’un génie puissant. « Le premier, dit Plutarque, qui, d’un état de faiblesse et d’abaissement, avait élevé la république des Achéens à un haut degré de puissance et de dignité, c’était Aratus, qui, ayant trouvé chaque ville divisée d’intérêts, les réunit toutes ensemble, et établit parmi elles un gouvernement fondé sur des principes d’honnêteté, et digne d’une nation grecque. » De 250 à 229 avant J.-C., il poursuivit sans relâche l’accession des villes. Il commença par chasser la garnison macédonienne qui occupait l’Acrocorinthe, citadelle qu’Antigone gardait avec le plus grand soin, comme la clef du Péloponèse. Aratus rendit la liberté aux habitants, et les fit entrer dans la ligue. Les Mégariens, les Epidauriens, les Trézéniens suivirent bientôt cet exemple. Antigone étant mort peu de temps après, la guerre se déclara entre Démétrius, son fils, et les Étoliens, qui eurent alors recours aux Achéens. Cette guerre dura pendant tout le règne de Démétrius. Après sa mort, beaucoup de tyrans du Péloponése, se voyant privés de son appui, et sachant qu’Aratus se disposait à les attaquer, prirent le parti de se démettre volontairement : ce fut ainsi que les villes de Mégalopolis, d’Argos, d’Hermione, de Phliase, et beaucoup d’autres entrèrent dans la confédération achéenne. À peu près vers le même temps, Aratus engagea Diogène, qui commandait les garnisons que les rois de Macédoine tenaient au Pyrée, à Munychie, à Sunium et à Salamine, à remettre ces places aux Athéniens, moyennant 150 talents, dont il fournit la sixième partie. l’accession de ces trois villes porta à son plus haut degré la puissance de la ligue, qui s’était encore fortifiée au dehors par l’alliance de l’Égypte, dont la politique tendait sans cesse à neutraliser l’influence macédonienne ; mais à partir de cette époque.(229ans avant J.-C.), la fortune des Achéens s’inclina pour ne se relever que sous Philopœmen. — Dans tout le Péloponése, une seule ville, Sparte, était restée en dehors de la confédération ; Aratus, qui n’attendait qu’une occasion pour l’y incorporer, choisit le moment où Cléomènes tentait d’établir dans cette république l’égalité des personnes et des biens. L’an 225, il conduisit une armée au secours des villes d’Arcadie menacées par les Lacédémoniens ; mais il fut vaincu dans trois combats successifs, sur le mont Lyne, près de Mégalopolis, et dans le pays de Dymé, et la ligue perdit Mantinée, Tégée et Orchomène. En même temps, dans la plupart des villes, les prolétaires, enhardis par les victoires de Sparte, s’agitaient en faveur de Cléomènes, à qui ils supposaient l’intention d’introduire partout le partage des terres et l’abolition des dettes. Un soulèvement était craindre : dans ce péril, les Achéens demandèrent la paix. Cléomènes consentit à la leur accorder, à condition qu’il serait nommé généralissime de la ligue. Aratus rejeta cette offre, et, pour arrêter les Lacédémoniens victorieux, il eut recours à un moyen odieux et qui sera dans tous les temps une tache pour sa gloire : il appela Antigone. Plutarque attribue à la jalousie le refus d’Aratus, et lui reproche d’avoir préféré, par ambition, l’alliance d’un barbare à celle d’un descendant d’Hercule. Mais il est à croire que sa conduite fut dictée par un autre motif, et que, chef d’une confédération où le pouvoir était entre les mains de cette classe moyenne qui ne sacrifie jamais ses intérêts ni son bien-être à l’indépendance nationale, il préféra la domination étrangère a celle de la multitude. Antigone fit une descente dans la Grèce, et, pour prix de ce service, les Achéens lui rendirent l’Acrocorinthe, et le nommèrent généralissime de leurs troupes. Beaucoup de villes qui avaient abandonné la ligue pour se ranger du côté des Lacédémoniens changeront de nouveau de parti, dès qu’elles virent Antigone a la tête des affaires. Ce prince entra dans la Laconie, défit, à Sellasie, Cléomènes, qui se réfugia auprès de Ptolémée, prit Sparte, et lui rendit ses lois, que Cléomènes avait abrogées. Antigone témoigna toujours beaucoup de considération pour Aratus, et se gouverna d’après ses conseils, en ce qui concevait les affaires de la Grèce. Philippe, son neveu et son successeur, en fit de même pendant les premières années de son règne. Une nouvelle guerre ayant éclaté entre les Achéens et les Étoliens, au sujet de la Messenie, que ces derniers avaient ravagée, Aratus fut nommé stratège ; mais il se laissa surprendre par les Étoliens, et fut complètement défait. Ses ennemis profiteront de cet échec pour l’accuser devant le peuple ; il convint de ses torts ; et, comme on lui avait de grandes obligations, il ne perdit rien de la confiance qu’on avait en lui ; on recourut à Philippe, et il s’engagea une guerre qui fut très-longue, mais où Aratus ne joua plus qu’un rôle secondaire. Philippe se laissa même prévenir contre lui, et chercha à le faire éloigner du gouvernement ; il ne tarda pas cependant a lui rendre sa confiance. Cette guerre terminée, Philippe voulut tourner ses armes du côté de l’Italie ; il fut repoussé, et essaya de nouveau à agiter la Grèce, en semant la division parmi les Messéniens ; il s’empara même de leur ville, à l’aide de l’un des partis qu’il y avait formés. Il écouta encore Aratus en cette occasion, et rendit Ithome aux Messéniens, au lieu d’y mettre une garnison, comme le lui conseillait Démétrius de Pharos. Mais à partir de cette époque, Aratus s’éloigna de plus en plus de Philippe, dont les vices se développaient de jour en jour, et dont il voyait avec peine le commerce scandaleux avec la femme d’Aratus, son fils. Philippe, de son côté, qui trouvait dans Aratus un censeur sévère, résolut de le faire empoisonner, et il employa pour cela un certain Taurion, qui gouvernait pour lui le Péloponèse. Aratus ne tarda pas à sentir les effets du poison lent qu’on lui avait fait prendre ; mais il n’en dit rien à personne. Cependant un de ses esclaves, qui avait sa confiance, lui faisant un jour observer qu’il venait de cracher du sang : « C’est le prix, lui dit-il, de l’amitié de Philippe. » Il mourut bientôt après, dans un âge avancé, et les Achéens lui rendirent les plus grands honneurs. On l’enterra dans la ville de Sicyone, distinction qu’on n’accordait qu’aux héros. Aratus avait écrit des mémoires que Polybe cite avec