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le nom de sa patrie, ayant été souvent appelé simplement le P. Vintimille, dans le temps de sa plus grande réputation. Il annonça, dès l’enfance, un goût décidé pour les livres ; son père, quoique très-pauvre, s’efforçait de lui en fournir ; et, comme il en était toujours chargé lorsqu’il allait à l’école, on l’y appelait le philosophe. Il entra en 1623 dans l’ordre de St-Augustin, alla faire son noviciat à Gênes, et fit profession un an après ; il prit alors le nom d’Angelico, au lieu de celui de Lodovico (Louis), qu’il avait porté jusqu’alors. Il voyagea ensuite, le plus souvent pour les affaires de son ordre, et alla successivement à Florence, à Bologne, à Ferrare, à Padoue, à Venise, et dans plusieurs autres villes, se liant partout avec les gens de lettres les plus connus, et s’instruisant avec curiosité de toutes les particularités littéraires de chaque ville. Le plus long séjour qu’il fit fut à Venise, où il fit imprimer la plupart de ses ouvrages. Il retourna ensuite à Gènes, se livra à la prédication, et ayant prêché le carème, en 1648, dans la cathédrale de Vintimille, sa patrie, il forma le dessein d’y fonder une bibliothèque par le don de ses livres et de ses manuscrits, dont la collection était aussi riche que nombreuse. Il consacra des sommes considérables à élever le bâtiment nécessaire pour la recevoir, et éprouva de grandes difficultés dans cette entreprise ; il en vint à bout cependant, et c’est avec justice que cet établissement a toujours conservé depuis le nom de bibliothèque Aprosienne. Après avoir rempli avec distinction plusieurs des grandes dignités de son ordre, il mourut dans sa patrie, en 1681, âgé de 74 ans. Il a laissé un grand nombre d’ouvrages, la plupart de critique littéraire, mais tous anonymes ou pseudonymes, sans doute parce que les sujets du plus grand nombre, et la manière dont ils sont traités, étaient peu convenables à l’état de l’auteur. Les premiers qu’il fit eurent pour objet de défendre le Marini, dont l’Adonis avait été fortement critiqué par le poëte Stigliani. Ce poëte ayant fait paraître un poëme intitulé le Nouveau Monde ; le P. Aprosio soutint que le premier chant de ce poème contenait lui seul plus de fautes que l’Adonis tout entier. Il entreprit de le prouver dans un pamphlet intitulé il Vaglio (le Crible), selon l’usage qu’avaient introduit les académiciens de la Crusca de donner aux écrits de ce genre des noms tirés de la mouture. Stigliani répondit, ou fit répondre par son fils, et donna à sa réponse le titre de il Molino (Moulin). Aprosio répliqua par il Buratto (Buttoir) ; dans le premier de ces deux opuscules il cacha son nom sous celui de Masotto Galistoni da Terama, qui n’est autre chose que l’anagramme de Tommaso Stigliani da Matera, nom du poète qu’il attaquait. Stigliani avait donné à sa critique de l’Adonis le titre de l’occhiale (Lunette) : Aprosio y répondit d’abord par l’Occhiale strilolto (Lunette brisée), et, cette fois, il se nomma Scipio Glareano ; ensuite par la Sferza poetica (Fouet poétique), de Sapricio Saprici, et enfin par il Veratro (Ellébore), du même prétendu auteur. Tous ces ouvrages furent imprimés, in-12, à Venise, depuis 1637 jusqu’en 1647. Il écrivit dans un genre différent, mais toujours avec un titre singulier et sous un de ses faux noms, un ouvrage de morale contre le luxe, et qu’il intitula : lo Scudo di Rinaldo, ovvero lo Spentrio del disinganno, opéra di Scipio Glareano, Venise, 1612, in-12. Il traduisit même, de l’espagnol en italien, des sermons pour les dimanches et fêtes de l’avent, composés par le P. Agostino Osorio, provincial dans le royaume d’Aragon, et il y mit, au lieu de son nom, celui d’Oldauro Scioppio, Venise, 1643, in-4o. Il donna encore, sous son nom favori de Scipio Glareano, un ouvrage d’érudition, avec le titre singulier de la Grillaja (la Lande, ou terre en friche) ; Curiosità erudite, etc., Naples, 1668, in-12. Il mit enfin son nom, ou du moins celui qu’il portait avant d’entrer en religion, à un autre ouvrage d’érudition sur la patrie du poëte satirique Perse : della Patria di A. Persia Flacco, dissertazione di Lodovico Aprosio, etc. Gènes, 1664, in-4o. Il s’y propose de prouver que ce poète satirique n’était point né à Volterre, comme on le croit communément, mais dans la Ligurie. L’un des ouvrages les plus curieux de cet auteur est sa Biblioteca Aprosiana, passatempo autunnale di Cornelio Aspasio Antivilgilmi, etc., Bologne, 1673, in-12. Il est fort rare ; les autres le sont aussi, mais on s’en aperçoit peu, parce qu’on ne les cherche pas. On trouve dans la Biblioteca Aprosiana des notices et des faits particuliers qui ne sont nulle part ailleurs. Elle est comme divisée en deux parties ; la première contient différentes particularités de la vie de l’auteur, et la seconde, une table alphabétique des personnes qui lui avaient fait présent de quelque livre, avec le titre entier de ce livre, accompagné le plus souvent de circonstances curieuses et quelquefois intéressantes ; mais cette table ne contient que les trois premières lettres de l’alphabet ; on croit que le P. Aprosio n’avait écrit que ce premier volume, et que la mort le surprit avant qu’il eût pu rédiger le second. Un autre ouvrage, encore plus rare, parce qu’il n’en fit tirer que quelques exemplaires pour ses amis, est celui qui a pour titre : la Visiera alzata ; hecatoste di scrittori, etc., c’est-à-dire : la Visière levée ; Centaine d’écrivains, curieux d’aller en masque hors du temps de carnaval, et découverts par Jean-Pierre-Jacques Villani de Sienne, Passe-temps caniculaires, etc., Parme, 1689, in-12. Ces cent auteurs qu’il démasque sont ceux qui avaient publié des ouvrages pseudonymes, surtout en Italie, et l’on voit qu’il pouvait, à bon droit, s’y donner une place. Il joint souvent à leurs noms des notes et des anecdotes piquantes, et qui rendent ce livre aussi curieux qu’il est rare. C’est un ouvrage posthume ; l’éditeur avertit lui-même que l’auteur était mort depuis quelques années. Il est suivi d’un supplément imprimé dans le même volume, et intitulé : Pentecoste d’altri scrittori, etc. (Cinquantaine d’autres auteurs), dans le même goût que la première centaine. Des morceaux de poésie italienne du P. Aprosio ont été insérés dans plusieurs recueils. G-é.


APSINES, rhéteur grec de Gudare, dans la Phénicie, vivait sous le règne de Maximin, vers l’an 236 avant J.-C. Nous avons de lui une rhétorique