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vanche, offrent des tableaux sur lesquels l’œil s’arrète avec plaisir, et des informations précises sur les usages, les mœurs et les arts de la Grèce héroïque. Quant aux caractères, ils sont pour la plupart insignifiants et dépourvus d’originalité. Deux seuls font exception et se distinguent par des traits bien sentis et nettement accusés : ce sont ceux de Médée et d’Aétès. Malgré ses incohérences, Médée est une belle création à laquelle Virgile a emprunté plus d’un trait de sa Didon. Le style des Argonautiques est pur, élégant, harmonieux, mais il ne porte pas de cachet particulier : les réminiscences homériques dont il est plein trahissent le travail d’un érudit plutôt que d’un poète. Tel qu’il est cependant, cet ouvrage a obtenu l’estime des anciens. Quintilien l’a bien caractérisé dans ce peu de mots : « Non contemnendum edidit opus æquali quadam mediocritate[1] ; » — « Apollonius ne tombe jamais, » dit Longin. Virgile l’a imité dans beaucoup d’endroits et lui a même pris des vers entiers. Ovide lui en a aussi dérobé plusieurs. Un autre poète du siècle d’Auguste, P. Terentius Vairon, donna en vers latins une traduction des Argonautiques, qui était regardée comme son meilleur ouvrage ; enfin Valérius Flaccus en fit une imitation à laquelle il dut sa célébrité. Le poème d’Apollonius fut imprimé pour la première fois à Florence, chez Laurent F. Alopa, 1496, in-4o, en lettres capitales, avec des scolies grecques. Il fut réimprimé à Venise par les Alde. 1521, in-8o ; et à Paris, en 1541. Ces premières éditions sont pleines de fautes, et très-rares. H. Estienne lit entrer Apollonius dans sa belle collection des poètes héroïques grecs, Paris, 1566, in-fol., et donna ensuite séparément, à Genève, une bonne édition du même poète, avec des scolies en marge, et une savante préface dans laquelle il éclairait quelques difficultés du texte et du commentaire. Vint ensuite l’édition de Jérémie Hælzlin. Leyde, 1641, in-8o, accompagnée d’une traduction inintelligible et d’un fatras de notes qui ne le sont pas moins. Celle de Shaw parut à Oxford, 1777, in-4o, et 1779, in-8o. Apollonius doit beaucoup au savant Tib. Hemsterhuys et à D. Ruhnkenius son disciple, qui en ont éclairci le texte et corrigé bon nombre de passages. Mais personne n’a plus fait pour cet auteur que l’illustre Brunk, qui a lui-même collationné cinq manuscrits de la bibliothèque royale et s’est procuré trois autres collations. Dans son édition, qui est supérieure à toutes les précédentes, il a corrigé un grand nombre de passages corrompus et de fautes grammaticales et rhythmiques (Strasbourg, 1780, in-8o. Apollonius a été traduit en anglais par Francis Fawkes, 1780, et par Edward Burnaby Greene, 1781 ; en allemand, par Bodmer, Zurich, 1780, in-8o ; en vers italiens, par le cardinal Flangini (2 vol. in-4o, Rome, 1791, avec notes, cartes et planches gravées) ; en français, par Caussin, 1797, in-8o, et 1838, dans le Panthéon littéraire. C. W-r.


APOLLONIUS, fils de Molon d’Abalande, dam la Carie, alla professer la rhétorique à Rhodes, et son école y jouit d’une grande réputation. Il forma, par ses leçons, les deux plus grands orateurs romains, Cicéron et Jules César. Il renvoyait ceux qu’il ne croyait pas faits pour devenir orateurs, et ne leur laissait pas perdre leur temps inutilement. C-r.


APOLLONIUS de Tyanes, philosophe pythagoricien, naquit dans les premières années de l’ère chrétienne, à Tyanes, ville de Caappadoce. l’imagination superstitieuse des peuples a environné sa naissance de circonstances merveilleuses. « Sa mère, dit Philostrate, étant enceinte de lui, eut une vision, dans laquelle elle vit Protée, dieu d’Égypte, qui, selon Homère, prend diverses figures. Sans s’épouvanter, elle lui demanda ce qu’elle mettrait au amende. — Moi répliqua le dieu. — Et qui êtes vous ? — Protée, dieu d’Égypte. » Suivant le même biographe, l’enfant vint au monde dans une prairie, au chant d’une troupe de cygnes qui s’étaient réunis en cercle autour de sa mère. Son père, nommé aussi Apollonius, et l’un des plus riches citoyens de Tyanes, l’envoya à Tarse, à l’âge de quatorze ans, pour y étudier, sous le Phénicien Euthydémus, la grammaire et la rhétorique. Mécontent du luxe et de l’indolence des citoyens, Apollonins obtint de son père la permission de se retiré avec son précepteur à Æge, ville peu éloignée de Tarte. Il y connut les diverses doctrines des philosophes, et s’attacha de préférence à celle de Pythagore. Il eut pour maître Euxenus d’Héraclée, dans le Pont ; mais cet homme ne pratiquait pas les principes qu’il enseignait ; aussi Apollonius, dont l’âme était pleine d’austérité, le quitta-t-il aussitôt qu’il eut appris de lui tout ce qu’il en pouvait apprendre. Fermement résolu à vivre selon les règles strictes établies par le fondateur de sa secte, il alla demeurer dans un temple consacré à Esculape et fameux par les miracles que le dieu de la santé y opérait en faveur des malades. Il s’abstint, d’après les institutions de Pythagore, de toute nourriture animale, et ne vécu que de fruits et d’herbe, ne but point de vin, et ne s’habilla que de toile, évitant de se servir de tout vêtement forme de substances animales. Il marchait pieds nus, et laissait croître ses cheveux. Les prêtres du temple lui trouvèrent des talents et des dispositions qui méritaient d’être cultivées dans leur école : ils l’initièrent dans leurs mystères. On allait jusqu’à dire qu’Esculape lui-même se réjouissait d’avoir Apollonius pour témoin de ses cures merveilleuses Nous ne voyons cependant pas qu’il ait rien tenté de miraculeux alors Il ne fit que se servir de l’intervention des dieux, pour donner plus de force à des leçons morales. Il dit à un jeune Assyrien, malade d’intempérance, que les dieux accordaient toujours la santé à ceux qui voulaient la recevoir et en lui recommandant l’abstinence, il lui rendit la santé. À la mort de son père, Apollonius vint à Tyanes pour l’ensevelir, ne se réserva qu’une faible portion de la succession, et revint à Æge, où il forma une école de philosophie. Ce fut alors qu’il

  1. Dans ce passage le mot mediocitas désigne le genre tempéré : Cicéron et Quintillien l’emploient très-fréquemment dans ce sens.