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dans les sciences et les lettres ; mais le hasard contribua plus que les leçons qu’il recevait de ses habiles maîtres à développer le germe de son talent poétique. Ce talent le conduisit à la fortune. Un soir qu’il était tristement assis sur la porte du collège, les équipages du sultan Sandjar le seldjoucide vinrent à passer ; il fut frappé de la bonne mine d’un cavalier magnifiquement vêtu et entouré d’esclaves empressés à le servir ; il demanda qui était ce seigneur, et quand on le lui désigna comme un poète au service du sultan : « Quoi, s’écria-t-il, les vers sont honorés à ce point ? J’en jure par le Très-Haut, je veux sous peu éclipser tout ce qu’il y a de poètes à la cour du sultan ! » l’imagination exaltée par un aussi beau projet, il composa, la nuit même, en vers, un éloge de Sandjar, et va, le lendemain, le présenter au monarque. Ce prince, ravi de la chaleur qui régnait dans cette composition, admet aussitôt Anwéry au nombre des beaux esprits qu’il avait réunis autour de sa personne. Cependant la poésie n’occupait pas seule tous les instants d’Anvéry ; il sut y associer des études plus sérieuses, telles que celle de l’astronomie, où il parait qu’il fit d’assez grands progrès ; mais il partagea avec plusieurs astronomes de son pays la ridicule prétention de prédire l’avenir. Cette prétention lui devint très-funeste. Quelque temps avant la grande conjonction qui, suivant les Tables Alphonsines, eut lieu l’an 582 de l’hégire (1186 de J.-C.), Anwéry avait prédit que le jour ou cette conjonction s’effectuerait, il s’élèverait un ouragan si furieux que les arbres et les maisons même en seraient renversés. La consternation, l’effroi se répandirent parmi les habitants de Merve, quand ils apprirent cette terrible prédiction ; tous désertent la ville et fuient éperdus à travers la campagne, dans l’attente du fatal événement. Or, ce jour-là même l’air fut plus calme que jamais, et les lampes que l’on avait allumées au haut des mosquées ne vacillèrent même pas. Les ennemis d’Amvéry ne manqueront pas de saisir cette occasion pour le tourner en ridicule auprès de Thoghrul-ben-Arslan, prince alors régnant, qui lui témoigna beaucoup de mécontentement. Inconsolable d’avoir perdu la faveur de son souverain, et sans cesse harcelé par les poëtes ses envieux, qui ne cessaient de lui décocher les plus mordantes épigrammes, il fut obligé de quitter Merve, et se retira à Balkh, espérant y vivre plus tranquille ; mais il fut presque lapidé par le peuple, qui l’aurait forcé d’abandonner la ville, s’il n’eût été l’ami du cadi Hamed-ed-Dyn, qui le prit sous sa protection ; encore fut-il obligé de promettre publiquement et solennellement de ne plus se mêler d’astrologie ni de prédictions. Ce fut dans cette ville qu’il mourut, l’an de l’hégire 597 (1200-1201 de J.-C.). On a d’Anwéry des éloges, des satires et des ghazels. L’éloge est le genre où il a le mieux réussi. Il l’emporte de beaucoup, à notre avis, sur Khaeany, Nizamy, Sandi et Djamy, dans le cacydèh ; mais il le cède à Haliz dans la ghazel, ou poésie érotique. Ce poëte, rempli de verve et d’imagination, est encore fort peu connu en Europe. Il n’y a, à proprement parler, que deux seuls morceaux imprimés de ses poésies qui puissent donner une idée de son esprit et de ses talents. Le premier est une élégie sur la captivité du sultan Sandjar, souverain de la Perse, fait prisonnier par les Ghouzz. Ce poéme est un des plus beaux de la langue persane. Les images y sont généralement frappantes et justes, la diction nerveuse, élégante, animée et pure ; et quoique la versification ne soit pas partout également douce et coulante, elle parait très-bien adaptée au sujet. Le texte de ce petit poëme a été publié avec une excellente traduction en vers anglais, par un des membres les plus distingués de la société asiatique de Calcutta, le capitaine Kirk Patrick, qui a fait insérer cet intéressant travail, t. I, p. 286-310 de l’Asiatik Miscellany, recueil aussi rare que curieux, publié à Calcutta, in-4°, 1785-1786, par les soins de M. Gladwin, dont il n’a paru que 2 volumes, et qui a été beaucoup trop tôt interrompu. L’autre, qui est un éloge de Maudoud-ben-Zengury, traduit en allemand, en octaves, par madame Chézy. Cette élégante traduction est insérée dans le 2e numéro des Mines de l’Orient, journal destiné à la littérature orientale, et qui s’est imprimé à Vienne sous les auspices et aux frais du Mécène des orientalistes de l’Allemagne, le comte de Rzewuski. L-s.


ANYSIS, quoique aveugle, fut choisi pour roi d’Égypte, après la mort d’Asychis. Peu de temps après son avènement À la couronne, Sabacos, roi d’Éthiopie, s’empara de l’Égypte, et Anysis se retira dans les marais, où il demeura cinquante ans, et forma, dit-on, une île de la cendre qu’il se faisait apporter. Il revint prendre la couronne lorsque Sabacos eut quitté l’Égypte. Larcher place le commencement du régné d’Anysis vers l’an 1012 avant J.-C.[1]. C-r.


ANYTUS, fils d’Anthémius, était corroyeur à Athènes, c’est-à-dire qu’il avait un atelier où il employait des esclaves à travailler les cuirs, de même que le père de Démosthène en avait un où l’on fabriquait des épées. Cela ne l’empêchait pas de se livrer aux affaires publiques. Il fut chargé, dans la 4e année de la 92e olympiade (409 avant J, -C,) de conduire trente vaisseaux au secours de Pylos, qui était assiégé par les Lacédémoniens, mais il ne put doubler le promontoire Malée. Il revint à Athènes, et le peuple, croyant qu’il avait trahi sa confiance lui fit faire son procès. Il parvint à s’en tirer en corrompant les juges avec de l’argent, et on citait ce trait comme le premier de ce genre qu’on eût vu à Athènes. Je crois qu’il est le même qu’Anytus qui, banni par les trente tyrans, se mit à la tête de ceux qui s’étaient fortifiés à Phyle. Rentré à Athènes, il figura, l’an 399 avant J.-C., parmi les accusateurs de Socrate, que les exilés détestaient, parce qu’Alcibiade, qui avait porté la première atteinte à la démocratie, Théramènes qui, dans son ambassade a

  1. Les travaux et les découvertes accomplis depuis vingt ans par les archéologues et les philologues ayant jeté un jour nouveau sur les annales égyptiennes, les savants ont reconnu que le nom d’Anysis (l’aveugle) figure la première des deux lacunes que l’on rencontre dans l’histoire d’Égypte après Bocchoris. C. W-r.