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tés vitales dérivent toutes de la conformation organique de ces êtres, et que la diversité de cette conformation constitue seule la différence dans leurs facultés et leurs puissances. Abernethy était un singulier composé de bizarrerie, de mauvaise humeur, de bienveillance et de talent. Bon et humain, il se montrait cependant brusque avec les malades, dont il supportait avec impatience les détails verbeux. Mais souvent aussi ses laconiques reparties étaient empreintes d’un grand sens. Un homme riche et indolent lui demandait un moyen de se débarrasser de la goutte : « Vivez, lui dit-il, avec un demi-schelling par jour, et gagnez-le. » Quoique chirurgien habile, Abernethy ne faisait aucun cas de la dextérité dans les opérations, et le peu d’importance qu’il y attachait allait presque jusqu’au mépris. Une opération, disait-il, est le plus souvent la honte du chirurgien : son grand art consiste à empêcher qu’elle ne devienne nécessaire, et à guérir le malade sans avoir recours à ce moyen extrême. C’est ce principe qui l’a constamment dirigé dans le cours de sa longue et brillante carrière. Cependant il à enrichi l’art de quelques innovations importantes. Le premier, il a conçu et exécuté la ligature de l’artère iliaque externe, dans les anévrismes de l’origine de la crurale, qui avant lui passaient pour être inaccessibles aux moyens de la chirurgie. Cette opération hardie a trouvé de nombreux imitateurs en Angleterre, en France et en Amérique, et le procédé d’Abernethy pour l’exécuter est encore aujourd’hui celui auquel on accorde la préférence. Les ouvrages d’Abernethy, tous écrits en anglais, et dont aucun n’a été traduit dans notre langue, sont assez nombreux ; mais il serait difficile de les énumérer dans l’ordre de leur publication, l’auteur s’étant toujours montré fort insouciant sur la manière dont ils étaient classés et intitulés à l’impression. Quelques-uns partirent d’abord par fragments, qui furent ensuite réunis et augmentés. Les principaux roulent sur l’origine constitutionnelle et le traitement des maladies locales, sur les anévrismes, sur le traitement des désordres de l’appareil digestif, sur les maladies qui ressemblent à la syphilis, sur les affections de l’urètre, sur les maladies de ta tête, sur les abcès lombaires, sur la classification et le recensement des tumeurs. Ils ont été réunis en 1827, sous le titre d’Œuvres chirurgicales, en 2 vol. in-8o. Op a encore d’Abernethy un Traité de physiologie, Londres, 1821, 1 vol. in-8o, contenant les leçons qu’il avait faites au collège royal des chirurgiens, un Traité sur la théorie et la pratique de la chirurgie, publié à Londres, en 1850, par les soins du docteur Willis, et quelques articles d’anatomie et de physiologie dans les premiers volumes de l’Encyclopédie de Rees. Abernethy est mort le 20 avril 1831, conservant sa vivacité d’esprit jusqu’au dernier moment. Ses extrémités étant enflées, il répondait à ceux qui s’informaient de sa santé : « Je suis mieux que jamais sur mes jambes ; voyez comme elles sont fortes ! » J-d-n.


ABGARE, nom de plusieurs souverains qui régnèrent sur l’Oshroëne, pays de la Mésopotamie dans lequel était Édesse. L’un des plus célèbres est Abgare Mannus, que quelques historiens appellent aussi Abarus, Ariamne et Acharz. Ce prince monta sur le trône vers l’an 57 avant J.-C., époque à laquelle la Mésopotamie était soumise au Romains ; il tenait par conséquent d’eux son autorité. Lorsque Crassus entreprit son expédition contre les Parthes, Abgare Mannus s’offrit à lui servir de guide, le conduisit à travers des déserts pour épuisé son armée, et le fit, enfin tomber entre les mains des Parthes. Plusieurs de ces rois ont fait frapper des médailles en grec, qu’on trouve rassemblées dans l’ouvrage de Bayer intitulé : Historia Osrhoena et Edessena ex nummis illustrata ; Petropoli, 1754, in-4o. C-r.


ABGARE, l’un des successeurs du précédent, vivait du temps de Jésus-Christ et Procope dit qu’il jouissait de la faveur d’Auguste. Eusébe, dans son Histoire ecclésiastique, rapporta que ce prince, attaqué d’une maladie très-grave, qu’aucune science humaine ne pouvait guérir, entendit parler des cures miraculeuses que Jésus-Christ opérait en Judée, qu’il lui écrivit pour le prier de venir lui rendre la santé, et lui promit un asile contre ses ennemis. Le même historien ajoute que Jésus-Christ répondit au monarque, et que, quoiqu’il usât de venir le voir, il promit de lui envoyer un de ses disciples. Eusébe rapporte le texte de ces deux lettres, et ajoute qu’après l’ascension de Jésus-Christ, St. Thomas, un des douze apôtres, envoya dans Édesse Thaddée, l’un des soixante-dix disciples, qui convertit Abgare à la foi chrétienne, le guérit miraculeusement, et opéra plusieurs autres prodiges. Eusèbe ajoute qu’il ne parle que sur des rapports traduits littéralement de la langue syriaque. Malgré l’autorité de cet historien, qui n’élève aucun doute sur l’authenticité de cette histoire, il est permis de penser qu’elle est fabuleuse ; rien ne prouve qu’il ait possédé la langue syriaque, ni qu’il soit allé lui-même à Édesse, pour y consulter les traditions et les archïves d’où il y dit avoir tiré les deux lettres. Le fait n’est rapporté par aucun écrivain ecclésiastique antérieur à lui, et ceux qui lui sont postérieurs n’en ont parlé que rarement. St. Jérôme en fait en fait mention dans ses Remarques sur St. Matthieu ; et il s’appuie sans doute sur l’autorité d’Eusèbe car il dit : « L’Histoire ecclésiastique nous apprend que, l’apôtre St. Thaddée fut envoyé à Édesse vers le roi Abgare. » Sans s’arrêter aux raisons qui peuvent faire rejeter cette histoire, il suffira d’ajouter que la lettre de Jésus-Christ à Abgare paraît avoir été inconnue aux pères de l’Église (qui étaient d’ailleurs persuadés que Jésus-Christ n’avait rien écrit) ; qu’elle n’est mentionnée dans aucun ancien catalogue de lois canoniques ; et qu’enfin elle ne parait point avoir fait partie du Nouveau Testament, où sans doute, une lettre écrite de la propre main de Jésus-Christ aurait obtenu la première place Ajoutons encore qu’au concile de Rome, tenu en 494, sous e pape Gélase, cette lettre fut rejetée comme apocryphe. On a encore attribué au même prince le projet de faire la guerre aux Juifs pour venger le déicide qu’ils avaient commis sur la personne de Jésus-Christ. ( Voy. Basnage Histoire des Juifs, liv. 1, ch. 1, et les Prolégomènes sur la Bible