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Cette liberté eût fait disgracier le correspondant à une autre époque ; elle ne pas fut même alors un acte de courage. Le Doyen de Badajoz, conte tiré du recueil de l’abbé Blanchet, et qui contient une bonne moralité, fut lu à une séance publique de l’Institut, en 1798. La Querelle de St. Roch et de St. Thomas, sur l’ouverture du manoir céleste à mademoiselle Chameroy (1802), est une satire philosophique à laquelle Andrieux n’attacha pas son nom, mais qu’il n’a jamais désavouée : le sujet est le refus fait par le curé de St-Roch de recevoir dans son église le corps d’une danseuse de l’opéra, qui fut reçu par le curé de St-Thomas. C’est une plaisanterie ingénieuse, mais trop libre dans les détails. La gaieté philosophique est aussi poussée trop loin dans la Bulle d’Alexandre VI, traduite ou imitée d’une nouvelle de l’abbé Casti, 1802. On trouve plus de mesure, avec le même esprit, dans l’Enfance de Louis XII, et quelques traits de sa vie, le tout pris dans l’histoire de France : c’est un des contes les plus plaisants d’Andrieux : il fut composé dans les derniers temps de sa vie, et lu à la séance publique annuelle de l’Institut, le 25 août 1830 ; il est imité d’une comédie historique de M. Roederer, intitulée l’Enfance de Louis XII, ou le fouet de nos pères. Les autres contes d’Andrieux ont pour titre ; le Procès du sénat de Capoue, 1795 ; l’Hôpital des fous, 1799 ; le dieu Sérapis, anecdote tirée de Flavius Josèphe (1800) ; l’Alchimiste et ses enfants (1801) ; le Souper des six sages ; Cécile et Terence (ce conte sert de réponse à une épitre de Ducis) ; le Samaritain, touchante parabole dans laquelle le poëte répond à la dénonciation d’un journal qui lui fit perdre sa place de professeur à l’école polytechnique. Andrieux s’est exercé dans d’autres genres : nous citerons parmi ses dialogues en vers : Socrate et Gloucon (1797) ; le Dialogue entre deux journalistes sur les mots monsieur et Citoyen, fut lu par le comédien Molé à une séance publique de l’Institut (1797). Andrieux peignait ainsi les journalistes du temps :

Politiques profonds et menteurs quelquefois.
Gouvernant l’univers à neuf francs pour trois mois.

Mais il sembla s’être mieux peint lui-même dans ces vers :

Mon esprit n’admet rien qui soit exagéré ;
Et j’ai même eu l’affront qu’on me crût modéré.

On remarque dans ses fables : le Passager et le Pilote (1795) ; l’Olivier, le Figuier, la Vigne et le Buisson (1797). Andrieux a composé aussi un grand nombre d’autres petits ouvrages ; des Stances patriotiques sur Barre et Viala, etc. Ces pièces, qu’il n’a pas toutes recueillies dans ses œuvres, entre autres : l’Épitre au pape ; la Bulle d’Alexandre VI ; la Querelle de St. Roch et de St. Thomas, etc., parurent imprimées séparément, ou publiées dans l’Almanach des Muses, le Mercure, le Moniteur, la Décade, le Magasin encyclopédique, et autres recueils. Vers la fin de sa vie, sans avoir rien perdu de son esprit facile, de sa douce gaité, Andrieux voulut quelquefois sortir des genres légers ; et il le fit avec succès dans sa tragédie de Brutus et dans son Discours en vers sur la perfectibilité de l’homme. Ce discours, où la manière de Voltaire est heureusement rappelée, fut récité dans la séance où MM.  Casimir Delavigne et Droz furent reçus à l’Académie française (7 juillet 1825). Andrieux avait commencé trois autres discours en vers qui devaient faire suite au premier : la mort l’a empêché de les terminer. ─ Ses travaux comme académicien annoncent à la fois un talent flexible et un zèle courageux. Il avait été admis à l’Institut lors de sa création, dans l’an 4 (1797). Il fut nommé le second membre de la 3e classe (littérature et beaux-arts). Il fit les rapports sur les concours pour les prix de 1798 et 1799 ; sur le prix pour l’éloge de Boileau, en 1802. Il avait été reçu membre résident de la société philotechnique, le 24 octobre 1804. Il fut maintenu membre de l’Institut (Académie française) par ordonnance du 21 mars 1816. Il remplaça Morellet dans la commission du Dictionnaire, en 1819. Il consacrait tous les jours plusieurs heures au travail de la commission, et il disait tantôt riant, tantôt sérieux : Je mourrai du Dictionnaire. C’est qu’il s’en occupait avec un zèle beaucoup plus actif que celui de tant d’autres académiciens que le fameux Dictionnaire a fait longtemps vivre plus à l’aise ; et voilà pourquoi sans doute ce lexique, bientôt deux fois séculaire, toujours très-bien fait, reste toujours à faire. Andrieux lut à une séance, et on trouve imprimé dans les Mémoires de l’Institut, un Rapport sur la continuation du Dictionnaire de l’académie française. Après la mort d’Auger il fut nommé secrétaire de cette compagnie, Alors il embrassa avec ardeur l’ensemble et les détails de l’administration ; il prit part aux travaux des diverses commissions, rédigea les programmes pour les concours et des livrets pour les prix de vertu. On peut regarder comme modèles en cette partie son rapport sur le prix d’éloquence, dont le sujet était le courage civil (1832) ; son rapport sur le concours à un prix extraordinaire de 10,000 fr. sur ce sujet : de l’influence des lois sur les mœurs ; et de l’influence des mœurs sur les lois (1832) ; et surtout son rapport sur un autre prix extraordinaire de 10,000 fr. pour un discours sur ce sujet : de la charité considérée dans son principe, dans ses applications et dans son influence sur les mœurs et sur l’économie animale. Ce travail était comme un traité complet sur la question proposée ; ce qui fit dire à un académicien que c’était au rapporteur que le prix devait être donné. On distingue parmi les programmes qu’il rédigea celui qui concernait le prix de poésie de 1835, sur ce sujet : la mort de Silvain Bailly, maire de Paris ; et celui du prix d’éloquence à décerner en 1834 : l’éloge historique de Montyon. (Voy. ce nom.) Andrieux eut un rare bonheur dans sa vie littéraire : il lui fut difficile de compter le grand nombre de ses amis, et il ne se connut point d’ennemis. Le vieux Ducis aimait son caractère autant qu’il estimait son goût sur et sa littérature. Il le priait de revoir ses poésies, d’être pour lui un sévère critique ; et il disait dans une épître :