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que l’Allemagne ait produits dans le 17e siècle. Il était petit-fils de Jacques, et naquit à Herremberg, dans le duché de Wurtemberg, en 1586. Après avoir fait ses études à Tubingen, et quelques voyages en France et en Italie, il parcourut les différents échelons de dignités ecclésiastiques qu’offrait son pays, et mourut, en 1654, abbé d’Adelberg, et aumônier luthérien du duc de Wurtemberg. Profondément affligé de voir les principes de la religion chrétienne livres à de vaines disputes, et les sciences servir l’orgueil et la curiosité, au lieu de tourner, au profit de la vertu et du bonheur des hommes, il passa sa vie a imaginer, à proposer et à organiser les moyens qu’il croyait les plus propres à rendre aux unes et aux autres leur tendance morale et bienfaisante. Il employa le crédit dont il jouissait auprès de son souverain, et auprès du duc de Brunswick-Wolfenbuttel, pour améliorer l’état de l’instruction publique dans les États de ces princes, et ne cessa, durant toute sa vie, d’opérer ou de préparer tout le bien que ses lumières et son zèle lui faisaient désirer. De la propension pour la mysticité, une activité qui se portait sur tous les genres de connaissances, une correspondance étendue, et des allusions mystérieuses ou susceptibles de sens divers, dont ses premiers ouvrages fourmillent, ont fait naître on accréditer le bruit qu’il est le véritable fondateur du fameux ordre des rose-croix. On peut consulter ci-dessus le savant ouvrage de M. Fred. Nicolaï, sur les crimes imputés aux Templiers, 2e vol., p. 179. De Herder a discuté cette question dans le Muséum allemand de 1779, et s’est prononcé pour la négative. Malgré une autorité aussi imposante. deux littérateurs distingués de l’Allemagne. M. Chr. G. de Murr (Sur la véritable origine des rose-croix, etc., Sulzbach, 1803, in-8o), et M. J. G. Buhle, dans une dissertation lue, en 1803, dans une séance de la société royale de Goettingue de Vera Origine adhuc latente fratrum de rosea cruce, imprimis vero ordine francomurariorum), in-8o, enrichie de nouveaux développement, penchent pour l’opinion qui rapporte à J.-Val. Andreæ, siono l’origine, au moins une nouvelle organisation de l’ordre des rose-croix, affilié ou identique avec celui des francs-maçons, dans lequel la mémoire d’Andreæ a toujours été singulièrement vénérée. La nature même de la chose ne laisse guère d’espoir qu’elle soit jamais éclaircie suffisamment. Si l’on cherche vainement dans la biographie latine de sa vie, qu’Andreæ avait laissée en manuscrit, et dont M. Seyhold a donné une traduction allemande dans le second volume des Autobiograpgies d’hommes célèbres, imprimés à Winterthour, en 1799, in-8o, quelques renseignements positifs sur ses relations avec l’ordre dont on le dit fondateur, en revanche, les écrits d’Andreæ qui ont paru de son vivant sont pleins de raisonnements sur la nécessite de former une société uniquement consacrée à la régénération des sciences et des mœurs. Quoi qu’il en soit, il finit par désapprouver la tendance de l’ordre dont on le croit l’instituteur, et il est plus certain qu’il ne lui appartint plus vers la fin de sa vie, qu’il ne l’est qu’il en ait été le créateur. Ses ouvrages, au nombre de cent, sont en partie indiqués dans Adelung, et plus complètement dans une brochure particulière de M. Burk, pasteur à Weiltingen, dans le Wurtemberg, Tubingen, 1793, in-8o ; En voici quelques-uns des plus remarquables : 1o De Christiani Cosmoxeni genitura Judicium, Montbéliard, 1612, in-12 ; c’est une satire contre les astrologues ; 2o Collectaneorum mathematicorum decades 11, Tubingen, 1614, in-4o. 3o Invitatio ad fraternitatem Christi ; prior, Strasbourg, 1617 ; posterior, ibid., 1618, in-12 ; 4o Rosa florescens, contra Menapii calumnias, 1617, in-8o ; l’auteur de cette apologie des Rosé-Croix, se signe Florentinus de Valentia, nom qu’Andréa ; s’est donné quelquefois, ainsi que celui Andrœas de Valentia ; mais il n’est pas entièrement sûr que cet ouvrage soit de lui (Voy. la Bibl. theol. de Walch ). 5o Menippus, seu Dialogarum satyricorum Centuria, inanitum nostratium spéculum, Helicone juxta Parnassum, 1617, in-12. C’est dans cet ouvrage qu’Andrée s’est montré vraiment supérieur à son siècle. Il y fait toucher du doigt les défauts sans nombre qui empêchaient l’Église et les lettres d’être aussi utiles qu’elles pouvaient l’être avec une meilleure organisation. 6o Civis Christianus, sive Peregrini quondam errantis restitutiones, Strasbourg, 1619, in-8o ; traduit en français, sous le titre du Sage citoyen, Genève, 1622, in-8o. 7o Mythologiæ Christianæ, sive virtutum et vitiorum vitæ humanæ imaginum libri 3, Strasbourg, 1619, in-12. MM. Sontag et Herder en ont traduit en allemand la meilleure partie. 8o Reipublicæ christiano-politanæ descriptio ; Turris Babel, Judiciorum de fraternitate rosaceæ crucis chaos : Christiana societatis idea ; ces trois écrits, tous publiés à Strasbourg, en 1619, in-12, offrent les indices les plus clairs de son projet de former une société secrète. On ne peut nier que son imagination n’ait été fortement travaillée par une idée analogue, et, si deux ouvrages allemands, intitulés, l’un les Noces chimiques de Chrétien Rosencreutz ; l’autre, la Réforme générale du monde, sont en effet de lui, l’opinion de MM. Buhle et de Murr, acquiert un haut degré de probabilité. On cite encore, à l’appui, les voyages d’Andreæ, auquel ses contemporains n’ont connu aucun moyen de les entreprendre. Cet homme énigmatique est encore remarquable comme écrivain national. Dans un temps où la langue allemande n’avait encore reçu que peu de culture, où tous les gens de lettres écrivaient en latin les livres auxquels ils donnaient quelques soins, et où l’idiome du pays n’était, comme dit M. de Herder, réservé que pour les affaires du ménage et du cœur, il sut donner à ses vers une grâce et une aisance toutes particulières. Il ne faut y chercher, ni élégance, ni correction, ni beaucoup d’harmonie ; mais on est sûr d’y trouver une imagination poétique, une belle âme, et un heureux emploi du dialecte de la Souabe ; on peut dire qu’il préluda aux heureux essais d’Opitz. (L. Melch. Fischlini, Memoria theologorum Wirtemberg., tome 2, page 129). Son portrait est dans le Theatrum de Freher. S-r.