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nombreuses ; si elles ajouteraient à la clarté, genre de méprise qu’on doit rechercher à tout prix ; si elles introduiraient quelques facilités dans l’enseignement. Il n’est pas de professeur qui ne comprenne aujourd’hui que le cours le plus élémentaire d’astronomie doit offrir d’abord aux étudiants la description des mouvements apparents des corps célestes ; que, dans une seconde section, il faut remonter des apparences à la réalité ; qu’une troisième section, enfin, doit être consacrée à la recherche et à l’étude de la cause physique de ces mouvements. Ce sont la trois parties d’un seul et même tout. Il est difficile de voir ce qu’on gagnerait à faire de la première section, du premier chapitre du cours ou du traité, une science à part : l’uranographie ; de diviser le second chapitre en deux sciences : l’heliostatique et l’astronomie Ampère bannis du cours de physique générale l’étude comparative des modifications que les phénomènes éprouvent en divers lieux et en divers temps. Si c’est d’une étude approfondie qu’il entend parler, la thèse peut être soutenue. Dans la supposition contraire, on ne concevrait pas comment, après avoir annonce qu’aujourd’hui, à Paris, la pointe nord de l’aiguille aimantée décline de 22°, à l’occident du nord, le professeur s’arrêterait tout à coup, et laisserait à son confrère, professeur de géographie physique, la mission de dire, l’année d’après peut-être, qu’à Paris, avant 1666, la déclinaison était orientale ; qu’en 1666 les observateurs la trouvèrent nulle, qu’elle n’est pas la même dans tous les lieux, et que, dans chaque lieu considère séparément, elle éprouve une oscillation diurne autour de sa position moyenne. Ampère trouve inadmissible la réunion qu’on a faite dans l’enseignement, de la matière médicale et de la thérapeutique. Il est très-vrai que connaître les propriétés des médicaments, c’est tout autre chose que savoir les appliquer ; mais quand on considère que les propriétés dont il s’agit ne seraient guère étudiées si elles ne devaient pus servir à l’humanité souffrante ; que la réunion du point de vue abstrait au point de vue d’application soutient l’intérêt et fait gagner du temps, on revient d’abord à ce qui avait semblé défectueux. « La vie est courte et l’art est long. » Ces mémorables paroles d’Hippocrate, dont, pour le dire en passant, la matière médicale et la thérapeutique réunies ou séparées ne sont pas encore parvenues à affaiblir la vérité, méritent bien aussi qu’on en tienne quelque compte dans la distribution des études de la jeunesse. Ampère pensait être arrivé, dans sa classification, à éviter entièrement les redites ; il se flattait que désormais chaque science pourrait être étudiée sans aucune trace de cercles vicieux ; que jamais, dans cette étude, on n’aurait besoin de recourir aux sciences qui figurent à un rang inférieur sur le tableau synoptique. Un illustre métaphysicien ne croyait cette marche méthodique complètement possible que dans le domaine des sciences mathématiques abstraites. « Il faut, disait-il, de l’équité dans les lecteurs et qu’ils fassent crédit pour quelques temps, s’ils veulent qu’on les satisfasse ; car il n’y a que les géomètres qui puissent toujours payer comptant. » Ampère, suivant l’expression de Malebranche, payerait-il toujours comptant, même dans les mathématiques appliquées ? Non, certes. Dans son tableau on voit, par exemple, l’astronomie avant la physique, et conséquemment avant l’optique ; mais alors, dès les premières leçons d’uranographie, dès la première étude du mouvement diurne du ciel, comment le professeur expliquerait-il l’usage de la lunette, du réticule placé au foyer commune de l’objectif et de l’oculaire ? que dirait-il, sans demander crédit, des réfractions atmosphériques qui déforment si sensiblement les orbites circulaires diurnes des étoiles ? Tous les astronomes trouveraient également peu naturel que l’héliostatique ou la démonstration du système de Copernic précédât l’exposition des lois de Kepler, considérées comme simple résultat de l’observation. Ces remarques, on pourrait les multiplier, mais elles n’empêcheraient pas la classification d’Ampère d’être très-supérieure à toutes celles qui l’avaient précédée ; de n’exiger peut-être, que des suppressions, que des remaniements de peu d’importance, pour acquérir toute la perfection compatible avec la nature du sujet. Dès ce moment, on peut le dire sans hésiter, elle offre dans ses diverses parties l’empreinte indélébile d’un savoir également prodigieux par l’étendue et par la profondeur. — De bonne heure un singulier concours de circonstances initia le public à tous les détails de la vie privée d’Ampère. On s’occupait presque autant de ce qu’on appelait sa crédulité, ses travers, ses distractions, des alternatives si fréquentes d’activité infinie et d’apathie profonde auxquelles était sujet, que de ses brillantes découvertes. Petit à petit il devint le principal acteur dans une multitude d’aventures, plus ou moins bizarres, fruits de l’imagination de quelques oisifs. La calomnie, toujours aux aguets des occasions d’exercer son détestable rôle, se mit de la partie ; aussi cet article biographique ne serait-il pas complet si on négligeait d’y faire entrer une esquisse fidèle du caractère et des habitudes d’Ampère. Comme Philopœmen qui, au dire de Plutarque, porta un jour la peine de sa mauvaise mine, le membre de l’Institut porta la peine de ses manières, de ses habitudes excentriques. Ainsi que la Fontaine, avec lequel il avait plus d’un point de ressemblance, Ampère demeurait quelquefois comme isolé au milieu de la foule. De la, certaines bizarreries, certaines aberrations de langage, de tenue ou de costume, que devaient difficilement comprendre ceux qui jamais ne subirent la domination tyrannique d’une idée ou d’un sentiment. Les distractions blessent quand elles ne font pas rire. Les distractions d’Ampère excitaient la gaieté, et cependant il faut bien qu’elles aient blessé quelques personnes, puisqu’on a été jusqu’à les croire calculées. Cette grave imputation, très-répandue, ne mérite cependant pas une réfutation sérieuse : faire du distrait une sorte de mélange obligé du trompeur et de l’hypocrite, se serait se résoudre à déchirer d’excellent feuillets de la Bruyère, et condamner au feu une agréable comédie de Regnard. Il est toutefois une conséquence qui répugnerait encore davantage ; l’inimitable fabuliste