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une sorte de tradition : il n’eut qu’à suivre les plans commencés par Pierre le Grand, par Catherine II, et il est probable qu’il n’y a pas mis la dernière main… Quant à l’espèce de complicité dans laquelle il entra avec Napoléon pour le partage du monde, il est assez évident qu’à Tilsitt il ne fit que consentir, que sa position ne lui permettait pas de refuser, et qu’il ne se tira d’un mauvais pas qu’à force de souplesse et de dissimulation. Cette dissimulation était, il faut en convenir, le trait distinctif de son caractère, et, sous ce rapport, il surpassa Bonaparte, qui crut bien l’avoir pris dans tous ses pièges, et qui, s’apercevant trop tard que lui-même avait été joué, s’écriait avec douleur sur le rocher de Ste-Hélène : « C’est un Grec du Bas-Empire ; il faut s’en défier. » ─ Alexandre fut peut—être encore plus remarquable par l’élégance et la beauté de ses formes que par les qualités de son esprit et de son cœur, et il n’était rien moins qu’insensible aux flatteries qu’on lui adressait à cet égard. Son adroit rival ne négligea pas ce moyen de succès, qui lui avait été indiqué par ses agents, et il en tira surtout grand parti à Tilsitt et à Erfurth. De tels avantages, joints à toutes les séductions du pouvoir et des richesses, furent sans doute de puissants moyens auprès des femmes ; et il était difficile que le jeune empereur ne fût pas entrainé dans beaucoup d’affaires de galanterie qu’il délaissa, dès le commencement. l’impératrice Elisabeth, et ses goûts furent en général très-capricieux et très-passagers. La belle Nariskin conserva seule longtemps quelque empire sur son esprit, sans obtenir néanmoins beaucoup d’influence dans les affaires de l’État. Il voyait sans doute avec plaisir la charmante reine de Prusse ; mais nous sommes persuadé que les injurieuses accusations que Napoléon publia si grossièrement contre cette princesse n’étaient pas fondé-es. (Voy. Louise de Prusse.) Alexandre fut affecté de bonne heure d’une surdité qui ne faisait que s’accroître avec l’âge, et qui lui donna, pendant les dernières années de sa vie, une apparence taciturne et sombre. Il écrivait et s’exprimait bien en anglais et en français, les deux premières langues qu’il eût apprises. — l’histoire de ce prince tient une grande place dans les premières années du 19e siècle, et il a eu en France, en Angleterre, en Russie et en Allemagne une foule d’historiens. Au nombre des écrits où l’on peut trouver des renseignements sur son règne, nous citerons : 1o  Histoire de France depuis le 18 brumaire jusqu’à la paix de Tilsitt, Paris, 1829, 6 vol. in-8o, par M. Bignon, renfermant, t. 1er, chap. 13, p. 428-453, sur la conspiration qui a amené la mort de Paul Ier, des détails authentiques, et qui effacent toute idée de complicité de la part des grands-ducs Alexandre et Constantin. On y voit qu’Alexandre, conduit par des suggestions perfides, approuva un plan d’abdication et de réclusion dans une forteresse, indiqué par Pahlen comme le seul moyen de sauver ses jours, menacés par l’ombrageuse tyrannie de Paul. 2o  Une Année de l’empereur Alexandre, ou Résumé de ses principaux actes, etc., Paris, 1814, in-8o. 3o  L’Empereur Alexandre et Bonaparte, Brunswick, 1815, grand in-8o, 4o  Alexander O, emperor of Russia, by H.-R Lloyd Londres, 1826, in-8o de 315 pag. ; trad en allemand Stuttgard, 1827. Ce libre, écrit par un membre de l’opposition avec peu d’impartialité, n’est guère qu’une compilation de gazettes. 5o  (En Allemand.) Éloge d’Alexandre Ier, par un Prussien, Leipsick, 1828. 6o  Notice sur Alexandre, empereur de Russie, par H.-L. E. (Empeytax), ministre du saint Évangile, Genève, 1828, in-8o. Il en a paru, la même année, une traduction allemande, insérée dans la Minerve, et imprimée séparément à Iéna. Cette notice renferme quelques particularités curieuses sur les rapports d’Alexandre avec madame de Krudner, que l’auteur raconte connue témoin oculaire, ayant été présent à plusieurs de leurs entrevues. C’est à ces conférences qu’il attribue l’origine de la sainte alliance ; mais, disciple fervent de la mystique Allemande, il lui accorde une part beaucoup trop grande dans cette conception. 7o  Vie d’Alexandre Ier, empereur de Russie, suivie de notices sur les grands-ducs Constantin, Nicolas et Michel, et de fragments propres à faire connaître l’empire russe depuis le commencement du 19e siècle, par A. E. (Adrien Egron), Paris, 1826, 1 vol. in-8o. 8o  Histoire d’Alexandre Ier, par Alph. Rabbe (voy. ce nom), Paris, 1826, 2 vol. in-8o. C’est l’ouvrage le plus complet qui existe dans notre langue sur le règne d’Alexandre ; il ne manque pas d’une sorte d’exactitude et d’impartialité, mais tout y est superficiel et peu approfondi. 9o  Mémoires historiques sur l’empereur Alexandre et la cour de Russie, publiés par madame la comtesse de Choiseul-Gouffier, Paris, 1829, 1 vol. in-8o. L’éditeur. dans son avant-propos, compare les sentiments de madame Choiseul-Gouffier pour Alexandre à ceux qui ont inspiré à M. de Las Cases ses écrits sur Napoléon ; c’est assez dire que le jugement et l’impartialité de l’auteur sont fréquemment effacés par la reconnaissance, et qu’une bienveillance continuelle a dicté ses récits. On y trouve cependant, sur la vie privée d’Alexandre, et sur son caractère et sa conduite dans quelques circonstances, des particularités et des anecdotes curieuses. À l’époque de sa mort, madame de Choiseul, belle-fille de l’ambassadeur de ce nom, avait, depuis plusieurs années, quitté la cour de Russie pour suivre son époux en France ; elle paraît croire que cette mort ne fut pas naturelle, et que l’empereur succomba, sinon au poison, du moins au chagrin que lui causa la découverte de trames ourdies contre sa personne par des gens auxquels il n’avait fait que du bien. Le docteur anglais James Wyllie, médecin d’Alexandre. et qui le soigna dans ses derniers moments, a publié en latin une relation dans laquelle il n’attribue sa mort qu’à des causes naturelles, et surtout à l’obstination avec laquelle il refusa les secours de la médecine, parce qu’il ne croyait pas à cette science. 10° L’Empereur Alexandre à Bar-sur-Aube en 1811, par P. Berault, Paris, 1816, brochure in-8o. L’auteur, témoin auriculaire, cite plusieurs paroles du czar qui font connaître sa politique. On lui exprimait