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quatre éclipses, et l’observation d’un équinoxe, qui lui fit trouver la durée de l’année trop courte de deux minutes et demie. Il mesura assez bien l’obliquité de l’écliptique ; mais sa plus belle découverte est celle du mouvement de l’apogée du soleil. Son livre n’est guère qu’un discours préliminaire pour ses tables, que le traducteur latin n’a pas publiées. Ses théories ne sont que celles de Ptolémée et de Théon. S’il était bon observateur, il parait avoir été un calculateur très-médiocre, et ses problèmes 25 et 26 feraient soupçonner qu’il n’est que le compilateur de tout ce qui les précède. Albategnius a donné deux éditions de sa Table ; la seconde est la meilleure, et c’est celle que nous connaissons. On trouve, dans la Biographie de Ibn-Khalacan, la liste de ses autres ouvrages. D-L-e.


ALBE (Ferdinand Alvarez de Tolède, duc d’), ministre d’État et général des armées impériales, naquit, en 1508, d’une des plus illustres familles d’Espagne. Élevé sous les yeux de son grand-père, Frédéric de Tolède, qui lui apprit l’art militaire et la politique, il porta les armes, jeune encore, à la bataille de Pavie, commanda sous Charles-Quint, en Hongrie, au siége de Tunis, à l’expédition d’Alger, défendit Perpignan contre le dauphin de France, et se signala dans la Navarre et en Catalogne. Son caractère plein de circonspection, et son penchant pour la politique, avaient d’abord donné peu d’idée de ses talents militaires ; Charles-Quint lui-même, à qui il avait conseillé, en Hongrie, de faire un pont d’or à l’armée turque, pour éviter une bataille décisive, le croyait peu capable de commander en chef, et ne lui accorda les premiers grades que par faveur. L’opinion de son incapacité était si généralement établie, qu’un Espagnol osa lui adresser une lettre avec cette suscription : À Monseigneur le duc d’Albe, général des armées du roi en temps de paix, et grand maître de la maison de sa majesté en temps de guerre. Ce trait de mépris piqua son amour-propre, donna l’essor à son génie, et lui fit entreprendre des choses dignes de la postérité. Parvenu au commandement des armées de Charles-Quint, il se signala contre les protestants d’Allemagne ; et, par ses savantes manœuvres, il gagna, en 1547, sur l’électeur de Saxe, la bataille de Muhlberg, qui rendit à l’Empereur sa supériorité. L’électeur ayant été fait prisonnier dans cette journée, le duc d’Albe présida le conseil de guerre qui condamna ce prince à perdre la tête, et pressa vivement l’Empereur de ne pas commuer la peine. Après la réduction des confédérés, il commanda, sous Charles-Quint, au siége de Metz, où le duc de Guise triompha de sa valeur et de ses talents. Chargé, en 1555, d’aller combattre en Italie les Français et le pape Paul IV, ennemi implacable de l’empereur, sa fierté lui fit dédaigner la qualité de vice-roi, et il exigea celle de vicaire général de tous les domaines de la maison d’Autriche en Italie, avec des pouvoirs illimités. Il se montra, dans cette mission importante, à la fois homme d’État et grand capitaine, fit lever le siége d’Ulpian au duc de Brissac, mit le duché de Milan en sûreté, se rendit à Naples, agitée par les intrigues du pape, et y affermit par sa présence l’autorité de l’Espagne. Le duc conserva tout son crédit, et le commandement de l’armée à l’avènement de Philippe II, successeur de Charles-Quint. Il entra sur le territoire de l’Église, se rendit maître de la campagne de Rome, fit échouer les Français dans toutes leurs entreprises ; et, forcé par Philippe II d’accorder une paix honorable au pape qu’il avait résolu d’humilier, il frémit d’indignation, et ne put s’empêcher de dire que la timidité et les scrupules étaient incompatibles avec la politique et la guerre. Rappelé d’Italie, en 1559, il parut à la cour de, France, où il épousa, au nom du roi son maître, Élisabeth, fille d’Henri II, destinée d’abord à don Carlos, et déploya à Paris la magnificence d’un souverain. Henri II lui ayant demandé s’il était vrai que, pendant la fameuse bataille de Muhlberg, gagnée sur les protestants, on avait vu un phénomène dans le ciel, le duc répondit en riant, au monarque français : « J’étais si occupé de ce qui « se passait sur la terre, que je n’ai pas remarqué « ce qui paraissait au ciel. » Vers cette époque, les habitants des Pays-Bas, aigris de ce que la cour de Madrid attentait à leur liberté et gênait leurs opinions religieuses, se montraient disposés à prendre les armes ; le duc d’Albe excita Philippe II à les réprimer avec rigueur ; et Philippe, qui n’y était que trop disposé, trouva dans le duc un ministre propre à l’exécution de ses projets. Il lui confia une puissante armée, et le revêtit d’un pouvoir sans bornes, pour aller abolir dans les Pays-Bas les privilèges des provinces, pour les soumettre au despotisme, à l’inquisition, et livrer aux exécutions militaires tous ceux qui oseraient résister à la volonté du monarque. Cette nouvelle répandit la terreur dans toute la Flandre : on y regardait depuis longtemps le duc d’Albe comme un homme dur et implacable. Arrivé en Flandre, en 1566, il déploya un pouvoir souverain, et établit un tribunal pour prononcer sur les excès commis pendant les troubles. Ce tribunal, nommé conseil des troubles par les Espagnols, et conseil de sang par les Brabançons, avait pour uniques arbitres le duc d’Albe et son confident, Jean de Vargas. On y cita indistinctement tous ceux dont les opinions étaient suspectes, et ceux dont les richesses excitaient la cupidité ; on y fit le procès aux présents et aux absents, aux vivants et aux morts, et on procéda à la confiscation de leurs biens. Une consternation générale saisit tous les esprits, et l’on vit un grand nombre de négociants et de fabricants se réfugier en Angleterre, et y transporter leur fortune et leur industrie ; plus de 100,000 Flamands s’expatrièrent, et la plus grande partie se rallia sous les drapeaux du prince d’Orange, qui, devenu le chef d’une confédération contre l’Espagne, fut déclaré, par le duc d’Albe, criminel de lèse-majesté, lui et ses principaux partisans. Alors la guerre civile éclata dans ces malheureuses provinces. Le comte d’Aremberg, lieutenant du duc d’Albe, ayant été vaincu et tué, en 1568, par le frère du prince d’Orange, cet échec, loin d’ébranler le duc, ne servit qu’à aigrir son caractère féroce. et il crut braver