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réduit à chercher un refuge dans les montagnes de l’Afghanistan. Jamais la colère n’avait, dans l’âme généreuse d’Akbar, survécu au triomphe ; aussi n’eut-il plus d’autre pensée que de-consoler l’infortune de Beyram, et de lui accorder un pardon sans réserve. Peut-être même passa-t-il les bornes de la prudence en lui offrant le gouvernement d’une province. Beyram refusa par des paroles pleines d’une touchante et noble humilité, et résolut de finir ses jours à la Mecque. Le généreux Akbar lui assura une pension de 50,000 roupies (5,000,000 francs). Il partit donc pour la ville consacrée ; mais, en traversant un bourg de Guzarate, il tomba sous le poignard d’un chef afghan dont le père avait été tué en combattant sous les ordres de Himu. Akbar eut des larmes pour cet homme infortuné dont les actions, même les plus criminelles, ne furent jamais dénuées d’une certaine grandeur. La conquête de Malwah, de Mertah, puis la mort du fils de Mohammed-Adili, vinrent successivement effacer de l’âme d’Akbar de tristes impressions ; une horrible catastrophe les ranima bientôt. Des intrigues de cour ayant fait retirer à Adan-Chan le gouvernement de Malwah, dont la conquête lui était due ; Adan crut devoir attribuer, sa disgrâce au grand vizir Schah-Azim, et jura de s’en verger. Il se servit d’une ruse qui, vingt ans plus tard, et sous le règne même d’Akbar, devait réussir en France au régicide Châtel. S’étant fait accorder, au palais même, une audience par son ennemi, il détourna son attention en lui remettant des papiers à examiner, et le poignarda. Akbar accourut un cimeterre à la main ; à son aspect, l’assassin crut sa dernière heure venue, et lui saisit les mains en implorant sa grâce. Mais Akbar se méprenant sur ce mouvement, et croyant qu’Adan en voulait à ses jours, l’étendit mort à ses pieds. Cette double catastrophe affecta profondément l’empereur ; jamais, jusque-la, il n’avait répandu de sang hors du champ de bataille. Peu de temps après, il eut à châtier le rebelle Aboul-Mali et son complice Hussein. C’est au retour de cette expédition qu’il faillit être assassiné par un esclave de Hussein (971-1563). Tant de peuples divers se heurtaient dans ce vaste empire, tant de rivalités ardentes et d’ambitions inquiètes y étaient en présence, que l’esprit de révolte, toujours comprimé, jamais éteint, ne disparaissait guère d’une province que pour se montrer dans une autre. D’ailleurs l’action trop lente du temps était loin d’avoir effacé de la mémoire des races indigènes leurs vieilles haines et leurs rancunes nationales contre la race conquérante des Tartares. Aussi, en 1565, voyons-nous une révolte terrible éclater tout à coup, sous un prétexte auquel le caractère bien connu d’Akbar ôte toute vraisemblance. Les omrah de l’ancienne famille des Ousbecks, autrefois subjuguée par Djenguiz, prétendirent que, sous une feinte bienveillance, l’empereur cachait le projet odieux de les faire assassiner en masse. Ils se déclarèrent simultanément indépendants sur tous les points de l’empire où ils pouvaient jouir de quelque influence. Enentrainant à leur suite de nombreuses populations, ils défirent trois fois l’armée impériale. Mais Akbar reprit vivement l’offensive ; les Ousbecks furent vaincus, et leurs têtes tombèrent en expiation de leur crime (juillet 1567). La soumission définitive de Malwah, ville qui, depuis Beyram, avait été trois fois conquise et trois fois reperdue, la prise de Tchetter, Rintimpore, Callinger, signalèrent l’année suivante, l’Inde jouit enfin d’un court moment de calme. Après douze années de guerres continuelles, le grand empire de Baber était rétabli dans son intégrité. Nous examinerons bientôt les moyens employés par son petit-fils pour en assurer la durée. À cette époque, il craignait encore de ne pouvoir perpétuer sa dynastie, tous ses enfants étant successivement morts en bas âge. Conduit par l’espoir d’obtenir du ciel un successeur, il alla consulter un célèbre derviche qui vivait retiré dans le village de Sikry, prés d’Adjemer, et lui confia pendant quelque temps la sultane favorite : « grâce aux prières de ce saint « homme, » il eut bientôt un fils que l’on nomma Selym-Djehanguyr (17 de rebyi 1er 977 ; 29 août 1569). Après avoir réprimé de nouveaux symptômes de désordre, qui s’étaient manifestés dans le Pendjab, Akbar revint à Sikry, et, par ses ordres, une ville nouvelle nommée Fattepoor (ville de la Victoire), s’éleva rapidement sur l’emplacement de ce village. Les prières d’un autre fakir, non moins célèbre que le premier, donnèrent à Abkar un second fils, qui porta le nom de Daniel (2 djomady 1er 978 ; 2 octobre 1570). Bientôt la tranquillité fut encore troublée dans le royaume de Guzarate ; et ce fut seulement en 1573, que la prise de Surate entraina la réduction de la province entière et, par suite, du Bengale. Akbar eut en outre à combattre quelques-uns de ses propres généraux, qui, après avoir dompté les rebelles ; étaient devenus rebelles à leur tour. — Depuis longtemps l’empereur des Mogols méditait la conquête de la grande péninsule indoustanique, connue alors sous le nom de royaume du Décan. Quatre princes différents se partageaient cette presqu’île. Akbar les somma, par ambassadeurs, de reconnaître sa suzeraineté. L’invasion immédiate que leur refus allait déterminer fut retardée par une révolution sanglante qui mit l’Afghanistan et le Pendjab en combustion. Il fallut à l’empereur de longs et sanglants efforts pour conserver ces deux provinces. L’ordre n’y fut même jamais parfaitement rétabli. Akbar le comprit si bien que, pour exercer sur elles une surveillance à la fois plus facile et plus active, il fit désormais de Lahore la capitale de son empire (997-1588). Il ordonna alors à Selym-Djehanguyr d’envahir le Décan. Quelques victoires signalèrent cette première tentative ; mais jamais cette belle contrée n’avait subi de joug étranger, et sa répugnance pour la religion, les mœurs et les usages des vainqueurs, interdit longtemps à ceux-ci la formation d’établissements durables. Plusieurs années s’écoulèrent ainsi dans des alternatives de succès et des revers ; enfin la soumission totale de l’Afghanistan permit à l’empereur de diriger lui-même les opérations, et bien-