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VII
AVIS DE L’ÉDITEUR

Elle devait à la fois rester dans son genre et en atteindre les limites. Le genre historique a pour domaine les masses, au milieu desquelles il rencontre et décrit par intervalles une grande figure. L’historien peint à larges traits, déroule la série et l’enchaînement des faits ; les personnages ne sont, en quelque sorte, pour lui, que des accessoires, Le genre biographique, au contraire, a pour premier objet de reproduire l’individu tout entier, de le calquer, pour ainsi dire, et de le suivre jusque dans les recoins intimes de sa vie. Mais là ne s’arrêtent point la mission et la prérogative du biographe : il s’élève jusqu’à la moralité de l’histoire, il en conteste ou en sanctionne les arrêts, il s’anime et se colore aux grands événements politiques, scientifiques, sociaux, dont son héros a été une part, selon l’expression du poëte épique. Ce mérite, oublié depuis Plutarque, est le but que s’était proposé cette réunion d’écrivains, constellation sans rivale, comme sans exemple jusqu’ici dans les fastes de la science.

Commencée en 1810, la Biographie universelle, tant dans les cinquante-deux premiers volumes que dans les tomes supplémentaires, s’est enrichie des articles de plus de trois cents collaborateurs français ou étrangers, qui presque tous faisaient l’orgueil de l’institut et des premiers corps savants de l’Europe. Hélas ! depuis longtemps un grand nombre de ces hommes célèbres ne vivent plus que dans leurs écrits. Cuvier, Benjamin Constant, de Bonald ; Delambre, Daunou. Ginguené, Klaproth, de Sacy, Sismondi, de Gérando, Visconti, et tant d’autres, âpres avoir consacré leur génie et leurs veilles à ce grand ouvrage, sont venus réclamer leur place dans cette nécropole des illustrations politiques, guerrières, scientifiques et littéraires de l’univers.

Mais l’intelligence humaine est comme la nature, éphémère et mortelle dans l’individu, perpétuelle dans l’espèce. À mesure que la vieillesse et la mort éclaircissaient cette phalange brillante, des noms nouveaux, des esprits jeunes et nourris au sein de la science et des idées modernes, venaient continuer et féconder sa gloire. C’est ainsi que la Biographie universelle a eu le bonheur de se recruter constamment parmi les notabilités les plus justement entourées de l’estime publique. Depuis quinze ans, par exemple, MM J.-V. Leclerc, Campenon, Arago, Michelet, Duyal, Capefigue, Naudet, Guigniaut, Fourier, Letronne, de Prony, Durozoir, Parisot, Viguier, Buchon, de Balzac, et une foule d’autres savants célèbres et de littérateurs distingués ; ont fourni tant à l’œuvre première qu’au Supplément des travaux d’une haute importance. Enfin la signature des auteurs au bas de leurs articles ajouterait encore à toutes ces garanties si d’ailleurs ces articles n’étaient frappés du type particulier au talent de chacun d’eux.

Pendant plus de trente années, M. Michaud junior s’est spécialement voué à cette création, à la fois comme éditeur et comme rédacteur d’articles nombreux, fruits de longues études et de laborieuses recherches sur notre histoire politique et militaire. Témoin et acteur de nos grandes campagnes, il les a retracées dans ses notices avec une fermeté d’aperçus, une sévérité de critique, une rigide connaissance des faits qui a osé contredire et convaincre d’erreur des autorités légèrement acceptées. Avec ses seules ressources et les suffrages du public, il a, malgré l’indifférence des protecteurs officiels des lettres, conduit à sa fin l’œuvre encyclopédique, sans contredit la plus remarquable et la plus parfaite que possède aucun peuple et l’a augmentée d’un Supplément, qui vien-