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reprises et ne put l’obtenir. Ce ne fut qu’après la chute du gouvernement directorial qu’il revint en France, où, protégé par le système de tolérance envers les émigrés qu’avait adopté Napoléon, il put vivre paisiblement, restant, en apparence, étranger à la politique, jusqu’en 1810 ; mais, à cette époque, voyant le gouvernement impérial s’engager dans des guerres imprudentes, il se rendit à Vienne pour y observer les événements, et voir s’il pourrait en profiter pour la cause des Bourbons, dont il ne désespéra jamais. Il y trouva peu de dispositions favorables, et revint en France, où il était en 1814, au moment de la restauration. On conçoit toute la joie qu’il eut de cet événement et la part qu’il y prit. Son seul chagrin alors fut de le voir tourner au profit du parti révolutionnaire (Voy. Talleyrand, LXXXIII), et de ne pouvoir apporter aucun remède aux fausses mesures qui furent adoptées. Après la révolution de 1815, il se réfugia dans le département du Nord, et fut arrêté, puis traduit à la police correctionnelle, pour avoir refusé de signer l’acte additionnel. Envoyé par suite en surveillance à Clermont en Auvergne, il échappa aux gendarmes en fuyant, et ne fut complétement libéré de cette condamnation que par le second retour de Louis XVIII. Alors, ne doutant pas que pour lui des jours de bonheur et de réparation ne fussent enfin arrivés, il se présenta plusieurs fois à S. M., et lui fit parvenir ses mémoires, appuyés des recommandations les plus pressantes. Il n’obtint à la fin qu’une pension viagère de 600 fr. et le grade de chef de bataillon. Le comte de Thieffries répondit à cette insuffisante faveur par une nouvelle demande dont nous extrayons un passage qui explique assez toute sa vie et toutes les conséquences de son zèle bourbonnien. « … Voilà, sire, dit-il au roi, quelle a été ma conduite et une partie de mes services, pendant les cinquante ans que j’ai eu l’honneur de consacrer au service de votre auguste famille, et pour récompenser un dévouement éprouvé par tant de sacrifices, une vie si souvent exposée aux plus grands dangers, la perte entière d’une fortune considérable, de longues fatigues, de longs voyages, de longues douleurs physiques et morales, la captivité avec toutes ses horreurs, des menaces de mort… à 75 ans j’ai reçu un brevet de chef de bataillon avec 600 fr. de pension ! Et c’est le seul moyen de vivre qui me reste !.. » Louis XVIII fut inexorable ; et le comte de Thieffries eut encore assez de force pour supporter son infortune, il ne se jeta pas par la fenêtre comme le malheureux Fauche Borel, et vécut assez longtemps pour voir tomber un pouvoir qu’il avait servi avec tant de zèle ! Il ne mourut qu’après la révolution de 1830, et put encore répandre des larmes sur les malheurs de Charles X ! On a imprimé du comte de Thieffries : I. Mémoires sur l’agriculture et le commerce, Paris, 1822, in-8º. II. Sa conduite politique et ses services militaires, br. in-8º, Paris, 1825. III. Administration générale du royaume, manuscrit trouvé aux Tuileries le 29 août 1829, et publié par Nogues, compositeur typographe, vol. in-8º, Paris 1830. — Thieffries (Louis-Denis), frère du précédent, lieutenant aide-major des Cent-Suisses,