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min : quatre ou cinq Évêques de la province y assistaient. Les cinq parties du monde ont concouru à former le cortége épiscopal de notre martyre. A la vue de ce qui fixait les regards, la pensée parcourait successivement les principales régions de la terre. Voilà comment cette fête a représenté l’universalité des lieux, aussi bien que la perpétuité des temps. Mais la perpétuité et l’universalité religieuses ne sont possibles qu’au sein d’une société divine. Cette diversité de races, de nationalité, de langues, se confondant dans une parfaite unité de foi au dix-neuvième siècle comme au troisième, est le miracle du catholicisme : hors de lui, on ne voit qu’une ombre d’unité dans des croyances nationales, ou que des divisions sans fin dans celles de ces croyances qui ne sont pas renfermées dans les limites d’un pays. Ces pontifes, habituellement dispersés dans toutes les zônes du globe, ne se sont réunis dans les rues de notre ville, autour d’un cercueil, avec les mêmes sentiments, que parce qu’ils sont constamment unis à la chaire de la vie éternelle. C’est ce centre, unique dans le monde, d’une société répandue partout, qui a donné à cette cérémonie ces vastes proportions, qui lui a communiqué son unité, qui a été, si j’ose ainsi parler, la clef de voûte de ce grand arc de triomphe, soutenu par des évêques de tous les pays sur la tombe d’une femme d’Amiens.

La papauté, apparaissant au milieu de cette fête par le fait même de l’universalité catholique qu’on y voyait représentée, et qui n’existe que par elle, y était aussi présente, d’une manière plus spéciale, sous d’autres rapports. N’est-ce pas vers Rome que s’est dirigée Theudosie en quittant notre vieille cité ? N’y a-t-elle pas reçu, comme les autres fidèles de cette époque, les bénédictions d’un pape des catacombes ? N’a-t-elle pas versé son sang non loin de cette place où saint Pierre, mourant sur une croix, a donné au Sauveur le témoignage suprême de cet amour qui l’avait fait choisir pour être le pasteur de toute l’Eglise ? N’a-t-elle pas eu sa bienheureuse sépulture dans une de ces cryptes creusées, agrandies ou habitées par les souverains-pontifes de cette époque ? Et quand son histoire terrestre a dû recommencer, ce sont les fouilles ordonnées par les papes qui nous l’ont rendue. C’est de la bonté du saint-père que notre évêque l’a obtenue avec une reconnaissance qui est devenue la nôtre ; c’est à l’occasion, et peut-être aussi comme une récompense du concile d’Amiens, dont il soumettait les actes au saint-siége, que le Père commun dispensateur des trésors de l’Église, a fait ce don au diocèse d’Amiens. Puisse la nouvelle de ce qui vient de se passer parmi nous, portée au Vatican, y donner au cœur du bien-aimé Pie IX une consolation égale à notre amour, et lui faire distinguer, parmi les bruits de cette fête, les bénédictions des deux cent mille âmes qu’elle a rassemblées ! Cette fête n’a duré que quelques jours ; mais elle survivra dans un monument aussi durable que la basilique où elle a été célébrée. Elle sera immortalisée dans une chapelle digne de notre céleste concitoyenne, digne de notre cathédrale, grâce à la munificence d’une princesse, plus empressée d’offrir à la tombe d’une sainte le