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comte de Brulh, son favori, assez adroit pour que ce monarque médiocre, mais orgueilleux et jaloux de son autorité, crût toujours l’exercer lui-même. Pour satisfaire chaque jour aux nouvelles fantaisies d’Auguste, le favori chargea en Saxe, la banque de l’état, de plus de billets qu’elle n’avait de fonds, et mit à l’enchère tous les emplois de la république. Du reste, le maître et le favori n’eurent point d’autre système politique qu’une entière dépendance de la Russie. Tandis qu’Auguste portait tranquillement le sceptre de la Pologne, de longs orages politiques, excités par son élection, exerçaient leurs ravages dans d’autres contrées. Ce prince préferait le séjour de Dresde à celui de Varsovie, parce que les forets de son électorat étaient plus agréables pour la chasse que celles de son royaume, et parce qu’étant ennemi de toute représentation, il n’était pas obligé de tenir une cour à Dresde ; mais ses longues absences laissaient le gouvernement de Pologne dans une sorte d’inaction : jamais les diètes ou les assemblées de la nation ne furent plus orageuses et plus inutiles par l’entêtement de leurs membres. Pendant toute la durée de ce règne, la nation s’assembla toujours vainement, et presque toujours les prétextes les plus frivoles suffirent pour faire rompre les diètes. Auguste paraissait aisément consolé quand la saison était favorable pour retourner en Saxe, et l’un des plus grands royaumes de l’Europe resta pendant près de trente années sans aucune sorte d’administration. Toutefois, sous cette espèce d’anarchie régulière, la Pologne paraissait heureuse et tranquille : il n’en fut pas de même de la Saxe. Alarmé de l’accroissement subit de la puissance prussienne, le roi de Pologne forma, comme électeur de Saxe, une alliance avec la reine de Hongrie, s’engageant à faire marcher au secours de la reine une armée de 30,000 hommes, au moyen de subsides que l’Angleterre et la Hollande promirent de lui payer. Cette armée, réunie à l’armée autrichienne, s’étant avancée en Silésie, y essuya une entière défaite. Le roi de Prusse attaqua la Saxe, et battit de nouveau, le 15 décembre 1745, l’armée de l’électeur, à la vue même de Dresde. Auguste abandonna précipitamment sa capitale, prit soin de sauver les tableaux et les porcelaines, et oublia les archives de l’électorat, qui tombèrent entre les mains du vainqueur. Auguste se réfugia dans son royaume ; mais son ministre préféra le secours des russes à celui d’une armée polonaise. L’électeur-roi ne recouvra la Saxe, l’année suivante, qu’en vertu d’un traité humiliant, et moyennant un million d’écus d’empire, qu’il paya au roi de Prusse. En 1756, il se vit enveloppé dans la guerre de sept ans par ce même monarque, qui pénétra de nouveau en Saxe, sous prétexte de prévenir les entreprises hostiles de la reine de Hongrie et de son allié. L’électeur-roi essaya en vain de détourner l’orage, en faisant faire à Frédéric II des propositions de neutralité ; pour réponse, il ne reçut que ces mots accablants: « Tout ce que vous me proposez ne me convient pas. » Auguste sortit de Dresde le 10 septembre, et se rendit au camp de Pirna, où 17,000 Saxons étaient campés. Frédéric s’empara de nouveau de Dresde, investit l’armée saxone, et l’obligea, le 15 octobre, de se rendre par capitulation. Le même jour, Auguste se retira au château de Kœnigstein, et de là à Varsovie ; mais son autorité, déjà peu respectée en Pologne, le fut moins encore après la perte de son électorat. L’avènement