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introduction

le temps manquait. Aussi lisons-nous dans un passage de notre poème : « Du côté de Charles, il ne fut pas question de former les échelles, mais chacun joue de l’éperon et se porte en avant le plus qu’il peut » (84).

Les guerriers les plus renommés ont le privilège de porter les premiers coups. Girart, récriminant contre Charles, dit : « C’est moi qui devrais guider son ost et porter en bataille les premiers coups » (§ 300). Celui qui guide l’ost, c’est-à-dire qui marche avec l’avant-garde, n’est pas nécessairement le général en chef. Le roi, par exemple, commande la cinquième et dernière de ses échelles, celle qui peut passer pour la réserve (§ 323). Ce privilège de porter les premiers coups peut être concédé soit à un homme, soit à un contingent tout entier. Ainsi nous le voyons, au § 671, attribué aux Bretons. J’ai cité en note un texte historique d’où il résulte qu’à la bataille de Lincoln, en 1217, les Normands faisant partie de l’armée anglaise le réclamèrent comme un droit. Mais, d’autres fois, cet avantage si envié était accordé, au moment de la bataille, à qui le demandait, et, en le sollicitant, on gagnait la faveur de son seigneur (§ 484).

Il y a, dans les combats que décrit notre poème, et il y avait, en effet, dans la réalité, maints textes historiques en font foi, de véritables duels. On se défiait d’une armée à l’autre ; on profitait de la rencontre sur un même champ de bataille pour vider de vieilles querelles privées. C’est ainsi que Drogon et Thierri qui jadis avaient été en guerre, se recherchent et se battent devant leurs troupes respectives (§ 151). Mais ces duels qui, dans la plu-

    che dans les historiens de la première croisade, notamment dans les Gesta Francorum, IV, xxxix (Histor. occid. des crois., III, 150).