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introduction

avait été l’allié le plus fidèle de l’ennemi de son père. Elle n’en fit rien. Elle devint amoureuse de son prisonnier (§ 551). Or, l’emprisonnement de Fouque ne peut avoir duré moins de vingt-deux ans, puisqu’il dura aussi longtemps que l’exil de Girart. De plus, au moment où cet exil commence, Aupais devait être déjà une grande fille, car son père Thierri est tué cinq ans avant la fuite de Girart et la prise de Fouque, et, au moment de sa mort, il avait plus de cent ans[1]. Et cependant Aupais est tout le temps considérée comme une jeune fille, et son prisonnier bien-aimé, qu’elle finit par épouser, est qualifié de jeune homme (§ 590), malgré vingt-deux ans de captivité précédés de dix ans au moins de chevalerie.

Il serait, je crois, superflu de pousser plus loin ces observations : on peut tenir pour démontré que la dernière partie du poème, celle qui commence au moment où Girart revient de l’exil, a été traitée par le renouveleur avec une extrême liberté. Il a modifié les données du vieux poème à ce point qu’il a fait œuvre d’auteur, et par là s’expliquent les contradictions qui existent entre cette partie et ce qui précède.

§ 4 — Le renouveleur, sa personnalité, son talent poétique.

Puisque le commencement et la fin du poème sont, sinon tout à fait, du moins dans une grande mesure, l’œuvre personnelle du renouveleur, ne serait-il pas possible de trouver entre ces deux extrémités de l’œuvre quelque point de contact, quelque trait commun, d’où

  1. Il dit, au § 184 : « Il y a cent ans que je suis né, et plus, je crois, » et c’est cinq ans plus tard qu’il est tué en trahison.