pense dans la terre de vie, car il est juste dispensateur. » Girart examina ses traits avec attention : « Pèlerin, » lui dit-il, « j’hésite sur votre compte. « Puis il ajouta aussitôt : Tu es Guintrant[1], le comte allemand, mon parent, mon homme, habile à parler le tiois et le roman, bon et vaillant chevalier. Pour moi, tu t’es battu je ne sais combien de fois, et tu as ravagé bien des terres de Charles. — J’en suis maintenant pénitent et gémissant. — Pourquoi n’es-tu pas retourné dans ta terre depuis vingt ans ? »
666. Girart baisa Guintrant et lui fit mille caresses. Il dit à Hugues et à Guilemer : « Cherchez lui des vêtements de vair et de gris. » Puis il s’interrogea sur sa vie : « Où as-tu été ? — Sire, outre mer. J’allai au saint Sépulcre. À notre retour, un mécréant me prit qui me fit mener, avec mille autres captifs, à la peine, pour porter de la pierre à la construction de châteaux et de remparts. J’y suis resté plus de quinze ans, sans pouvoir m’échapper, quand Dieu me livra les reliques de sa Madeleine.
667. « Celui qui fit sortir Jonas du ventre de la baleine, me choisit pour délivrer sa Madeleine[2]. C’est pour cela que je suis son serf et travaille pour elle. Dieu t’a accordé une marque particulière de bienveillance[3], lorsqu’il a daigné lui fixer sa demeure sur ta terre. — Et je la servirai » car elle nous protège, et je compte vous concéder encore un bénéfice ; mais parle-nous du pays d’où Dieu t’amène.
668. — Sire, ce serait un long conte, et qui vous ennuierait. Où que j’aie été, me voici revenu. — Vous ne me quitterez plus désormais, cousin. Je vous donnerai le fief
- ↑ Mentionné plus haut au nombre des vassaux de Girart, §§ 146, 304, cf. p. 158, n. 4.
- ↑ Selon un passage qu’on a pu lire au § 612, le corps de sainte Marie-Madeleine aurait été rapporté d’outre-mer, des terres païennes. Mais il n’a pas été dit jusqu’ici que le corps eût été rapporté par Guintrant.
- ↑ Je devine : le texte est obscur et probablement corrompu.