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girart de roussillon

dans des baquets. « Où loge ce pèlerin, dame Aibeline[1] ? Je le vois constamment à matines ou à la messe, puis toute la journée il travaille de grand cœur. — Dame, en une vieille maison branlante, car il ne veut pas loger dans ma maison de pierre. Il est avec une boiteuse très misérable, qu’il entretient avec son gain. Il n’a ni draps, ni lit, mais simplement son esclavine ; et il ne parlerait pas actuellement à la reine, jusqu’à tant que l’heure soit arrivée où le travail cesse. »

645. La comtesse le mande au moment où il quitte l’ouvrage, et, quand elle le voit venir, elle se lève, le tire à part, et lui dit sa pensée : « Sire, puisque tu aimes Dieu et qu’il t’aime aussi, je te dirai ce que j’ai résolu de faire. Je veux porter avec toi, aux fondements, de l’eau, des pierres, du sable, peu ou prou. Je te donnerai, si tu veux, de l’or et de l’argent. — Dame, je ne veux rien recevoir. — Sire, fais le[2] pour Dieu le grand et pour sa Madeleine que tu aimes tant. — Eh bien ! pour l’amour d’elle, je ferai ce que tu me demandes. Mais dis-moi à quelle heure, comment et quand ? — Demain, à minuit, avant le chant du coq. Je mènerai mon chapelain, un vieillard aux cheveux gris. »

646. Ils firent ainsi qu’il était convenu. Ils montent le sable du bas[3] où il se trouve, le portant en sac avec une perche[4]. Ils avaient déjà fait ce métier pendant près d’un mois, quand vint un messager envoyé par Girart pour annoncer à la comtesse qu’il n’a qu’à se louer de l’accord ; que le roi, plein d’affection pour lui, l’emmène en France. La comtesse en rend grâces à Dieu.

647. Ce messager avait nom Ataïn ; il était, à titre héré-

  1. C’est Berte qui parle.
  2. C’est-à-dire, « permets que je prenne part à ton travail. »
  3. De la colline.
  4. Le sac était suspendu à une perche que Berte et le pèlerin portaient chacun par un bout ; voir § 659.