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girart de roussillon

639. Charles tint le conseil de Fouque pour bon : « Je vous le dis à tous, riches barons, préférez les chevaliers à l’or et à l’argent et tenez en chacun selon le chasement que vous aurez de moi : qui vingt, qui cent, qui plus, qui moins, selon ce que vous tiendrez[1]. Qui ne pourra en supporter la dépense, je lui viendrai en aide, et de bon gré lui donnerai souvent du mien. Et amenez-les tous à la montre, chacun[2] ayant cheval et équipement, afin que les païens ne nous trouvent pas au dépourvu, car un royaume qui ne sait se défendre est perdu. Et qui se montrera négligent, je lui enlèverai son fief, par jugement, et le donnerai, d’accord avec mes fidèles, à un plus vaillant. » Les comtes approuvèrent cet arrangement et le garantirent par des engagements et des serments. Alors l’ost se dispersa. Le roi retint auprès de lui les comtes, et, après la réunion, les mena à Reims où la reine les attendait qui les reçut avec allégresse. Le roi rendit à Fouque, pour son fils, le duché d’Ascane, qui lui revenait légitimement[3]. Ils voulurent faire à Girart de grands présents, mais le duc ne voulut rien accepter, sinon faucon volant ou chien courant. Quant à la comtesse, elle sert dignement Dieu qui pour elle fait des miracles visibles[4].

640. Quand Girart fut allé en France, la comtesse fit trêve à sa douleur : pour l’âme de son fils[5], elle se mit à donner largement de son avoir. Puis, pleine d’espérance, elle se rendit à Vezelai. Elle fonda un moutier en l’honneur de sainte Madeleine en qui elle se fiait, et l’enrichit le plus qu’elle put.

641. Lorsque la comtesse fut venue à Vezelai, la pauvre gent du royaume s’y rendit, à cause des grandes charités

  1. Tenir au sens féodal.
  2. Des chevaliers.
  3. Par Aupais, fille de Thierri d’Ascane.
  4. Voir ci-après, §§ 657-9.
  5. Voy. § 620.