Page:Meyer - Girart de Roussillon, 1884.djvu/543

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
289
girart de roussillon

parti : il manda, à titre de devoir exceptionnel[1], ses hommes pour faire la guerre au bourguignon[2]. Alors se mirent en mouvement Français, Bretons, Normands, Flamands, Brabançons. La reine envoya aussitôt à Roussillon, pour avertir Girart d’avoir à se tenir prêt, comme c’est raison. Par droit, par amour, par ses libéralités, le duc réunit trente mille combattants[3], sans parler de Fouque qui lui amena vingt mille[4] hommes vaillants. Dans la rivière[5], en aval, sous Châtillon[6], par l’esplanade et par les prés de Roussillon sont tendus les trefs et les pavillons. Le comte leur fait de larges distributions d’argent et de deniers, tandis que les piétons amènent en sûreté les marchandises[7].

618. Le comte sortit pour haranguer ses barons. Lorsqu’il les eut baisés et remerciés, lorsqu’ils lui eurent fait toutes les promesses qu’il désirait, il monta, plein d’allégresse, au château. Il s’est appuyé sur la fenêtre de la grande salle ; il regarda au dessous de lui, par les prés ; il vit tant de pavillons, et tant de trefs tendus, tant de francs chevaliers qui y avaient leurs logements ! Les armes brillaient et répandaient un vif éclat, les gonfanons déployés ondoyaient au vent. « Ah ! » s’écria-t-il, « vallée de Roussillon, si longue et si large ! où j’ai vu tant de chevaliers armés qui sont morts, auxquels leurs fils ont succédé, belle vallée, comme je vous vois aujourd’hui brillante ! De tout autre

    une telle interprétation serait peu naturelle. Il vaut peut-être mieux supposer, bien que ce soit une hypothèse hardie, que les deux textes sont corrompus et qu’au lieu de molt bo il faut quelque chose comme felon.

  1. Je rends comme je puis la locution per acheison.
  2. Girart.
  3. « Vingt mille chevaliers », selon P. (v. 8068).
  4. « Dix mille » P. (v. 8009).
  5. Au sens ancien : la partie de la plaine qui avoisine un cours d’eau.
  6. Sur Seine.
  7. Mot à mot « le marché », c’est-à-dire des vivres à vendre.