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girart de roussillon

ment servie. La comtesse a pour elle tant d’amour et de dévotion que, de son vivant, Dieu fit de grands miracles. Un des serviteurs de Girart rêva de grandes richesses, mais le comte se refusa à l’en croire, jusqu’à tant que lui-même eût, en dormant, la même vision, au mois de mai, un jeudi comme il faisait la sieste de midi ; il y avait quinze cent mille marcs d’or, et tant d’argent qu’on n’en savait pas le compte. Tous les chevaliers de Girart en devinrent riches et opulents[1].

614. Le comte Girart trouva cette fortune[2] si merveilleusement grande qu’il n’y eut jamais pareille. Il la tira de terre en plein jour, non pas au clair de la lune, des vieilles arènes, sous Autun[3]. Il la garda entière, sans en rien distraire, jusqu’à tant qu’il l’eût amenée à Roussillon, sur la hauteur. Puis il en fit le départ, d’accord avec la commune. Il n’y a si bon chevalier d’Espagne à Rune[4] qui n’en ait sa part sans qu’il y eût aucune lésinerie.

615. C’était un trésor amassé par les Sarrasins[5]. La com-

  1. La découverte de trésors cachés sous terre était, au moyen âge, un événement assez fréquent pour que la législation l’eût prévu. De nombreux textes (voy. Du Cange, thesaurus) spécifient que les trouvailles de ce genre doivent revenir au seigneur. On sait que c’est à la suite d’une querelle sur la possession d’un trésor découvert dans les terres du vicomte de Limoges que Richard-Cœur-de-Lion assiégea Chalus, où il trouva la mort. Sur la recherche des trésors pendant le moyen âge, on peut voir un mémoire de Th. Wright, dans ses Essays on archæological subjects (Londres, 1861) I, 268 et suiv.
  2. C’est le terme de droit pour désigner un trésor découvert ; voy. Du Cange, fortuna.
  3. L’amphithéâtre d’Autun, qui était de dimensions considérables, était déjà en ruines, lorsqu’il fut en partie rasé lors de la construction de la route de Moulins à Bâle, il y a plus d’un siècle. Ce qui reste de ses substructions est maintenant recouvert par des terres en culture ; voy. Autun archéologique, par les secrétaires de la Société éduenne et de la commission des antiquités d’Autun. Autun, 1848, in-8°, p. 150.
  4. Est-ce le Rhin, comme dans la chanson des Saxons de Jean Bodel (éd. Fr. Michel, I, 90 et suiv.) ?
  5. C’est-à-dire un trésor remontant à l’époque gallo-romaine.