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girart de roussillon

611. Oudin ne put s’empêcher de parler. « Nous en trouverons assez des boucliers, si le roi le veut. Tout ce que dit Madame, le roi l’accepte, et c’est ainsi qu’il m’enlève, contre tout droit, la terre de mon oncle[1]. — Vous parlez toujours follement, » dit Pépin[2], « le roi n’a fait que rendre à son filleul la terre qui lui appartenait du chef de sa mère, et de son aïeul. Le père ne vous a pas traité trop doucement[3] : un an vous en avez porté le bras en écharpe[4]. Madame a maintenant ce qu’elle désirait, car sa sœur a un fils ; s’en afflige qui voudra ! ma mère aime cet enfant et moi aussi. »

612. Jamais vous ne vîtes reine de telle valeur, ni comtesse qui vaille sa sœur, qui ait autant d’amour pour Dieu, pour les pauvres, pour son mari. Notre Seigneur lui fit ce grand honneur de lui donner la meilleure de ses saintes, celle à qui, pendant sa vie terrestre, il témoigna le plus d’amour. Un jour, au temps de Pâques, il[5] envoya trois moines et un prieur, qu’il guida par une vision. Ceux ci passèrent la mer, à grand effroi, et des terres païennes transportèrent le corps saint à Vezelai, au sommet de la montagne, et là fondèrent un moutier en son honneur[6].

613. Et quand il leur eut donné cette Marie, la sainte Madeleine, son amie, ils[7] firent en sorte qu’elle fût digne-

  1. Le duc Thierri d’Ascane.
  2. Le fils de la reine.
  3. J’interprète plutôt que je ne traduis. Les deux mss. diffèrent, et aucune des deux leçons n’est claire.
  4. Fouque a blessé Oudin au bras ; voy. § 582 et 605.
  5. Je suppose que le sujet est « Notre Seigneur », parce qu’on ne peut guère supposer un autre sujet pour la première phrase du § suivant. Autrement, on serait tenté de corriger dans Oxf. El[a] trames... « Elle (la reine), avertie par une vision, envoya ... » P. (v. 8004) Lhi enviet confirme le sens que j’adopte.
  6. Il y a ici un souvenir du récit de la translation du corps de sainte Marie-Madeleine à Vezelai. Sur ce récit, voy. Romania, VII, 231-5.
  7. Le comte Girard et sa femme.