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girart de roussillon

guerrier qui sût mieux faire face à un adversaire. « J’aime mieux mourir, » dit-il, « que me laisser prendre vif !

569. — Fouque, voyez-vous que d’enseignes flottent au vent ? Je crains que ma dame[1] me manque de foi. Fouque, j’ai fait en vous mauvaise attente ; j’y ai perdu mon temps et ma jeunesse. Pour vous, mes hommes ont été si fort indisposés contre moi, que je n’ai reçu de mon fief ni avoir ni rente. Je n’ai pas de vassaux pour vous défendre, et je vous verrai mourir, malheureuse et affligée ! » Au moment où elle se désolait ainsi, Droon crie à la porte : « Laissez-moi entrer, la belle ; je vous apporte des saluts qui vous réjouiront le cœur ! »

570. Quand elle entendit Droon qu’elle connaissait, elle courut lui ouvrir la porte, et, le prenant par le poing : « Droon, quelles nouvelles ? qui sont ces gens ? — C’est la mesnie Girart qui vient pour toi, envoyée par la reine qui vous attend. — Où est-elle ? — À Roussillon. Tiens ce bref que je te présente de sa part. » De joie elle l’embrassa, en prenant le bref. « Dis-tu vrai, au sujet de Girart, sur ton salut ? — Oui certes, puisse Dieu tout puissant me protéger ! » Elle vient, toute joyeuse, à Fouque : « Fouque, je vous apporte des nouvelles qui vous plairont, de la part de Girart le duc, votre parent. — C’est mal, damoiselle, de vous moquer ainsi. »

571. Fouque l’entend ; il se fâche : « C’est grand péché, damoiselle, de vous moquer ainsi de moi. Le comte Girart est mort ; je ne le verrai plus. » Pour toute réponse, elle lui remit la lettre scellée ; il l’ouvrit, et, quand il l’eut regardée, son visage s’épanouit. « Ce bref dit de bonnes paroles, s’il est véridique[2]. — Sire, c’est un grand avantage qui te vient, et à moi une grande joie. La reine chevauche, tandis que tu reposes. Elle cherche à faire la paix en-

  1. La reine.
  2. On verra plus loin encore, § 624, que Fouque sait lire.