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girart de roussillon

mort de près. Mais, grâce à Dieu, grâce à Bertran et au veneur, grâce à la reine qui sut choisir la fleur [des chevaliers]...[1] Bertran fut bon chevalier, je n’en sais pas de meilleur ; il avait vingt-cinq neveux, de grande valeur, tous fils de frère ou de sœur, aucun n’était d’un degré plus éloigné ; il avait aussi deux cents chevaliers, riches vavasseurs, tous de sa mesnie, bons combattants. Quand il entendit les nouvelles, il accourut avec eux : « Que réclamez-vous à Girart, seigneurs ? Vous croyez l’avoir trouvé comme un berger[2] ! Le roi l’a reçu pour son homme, et, ce jour-là même, avec le roi vous complotez sa mort, vous les plus hauts de la cour ! C’est chose malséante, quand on est en conseil avec un empereur, de lui donner un avis qui cause son déshonneur. Français et Bourguignons ne s’aiment pas. Mais si les Bourguignons ont tué vos pères, vous avez tué les leurs. Vous ne devez pas ranimer une si vieille querelle. — Bertran, » dit la reine, « pas de colère ! Puisque le roi et le plus grand nombre des siens y sont opposés, ne prenez pas Girart sous votre conduite. Mais je rendrai à ma sœur son douaire, et, si le comte y vient pacifiquement, elle l’hébergera, comme celui qui est son mari, et moi je la guiderai demain au jour, menant avec moi mon fils aîné. — Par mon chef ! » dit le roi, « pas même le cadet ! — Et j’emmènerai Bertran, qui m’est dévoué, qui, par ton congé, tient de moi son fief. » De colère le roi changea de couleur, mais il se tut, ne voulant pas découvrir ses mauvais desseins.

563. Oudin prit le roi à part, loin des autres. Il s’adressa à ses cousins et ses amis : « Ce Français métis, demi-bour-

  1. Il y a ici, dans Oxf. seul, un vers que je n’entends pas : Tunant, peuder e el temor. Le sens paraît être que les ennemis de Girart eurent lieu de se repentir.
  2. Berger (cf. ci-dessus § 287) s’employait comme synonyme de sot, innocent, homme sans défense ; voy. les exemples du Roman de la Rose et de Bertran du Guesclin cités par M. Littré à l’historique de ce mot, et Roman de la Violette, v. 1554.