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girart de roussillon

560. Avant que le roi eût fini de délibérer avec les siens, la reine faisait envoyer de son argent, de l’or vermeil à tous les vaillants damoiseaux qu’elle connaissait. Donner, voilà ses tours et ses créneaux ! Jamais sur d’aussi beaux yeux cils ne se sont abaissés, jamais cheveux n’ont couvert si belle tête[1]. Elle prie chacun de se tenir prêt à partir au point du jour, et commande à Bertran de l’éveiller de bon matin : « Nous verrons bien, » dit-elle, « qui seront nos fidèles. »

561. Il y avait auprès du roi neuf comtes, fils de trois frères qui étaient neveux de Thierri. Ils vinrent au roi et lui dirent : « Sire, voici que Bertran veut vous faire la guerre. Il a l’air de vouloir se séparer de vous comme fit son père[2], car il raccole à votre cour tout ce qu’il en peut tirer à lui. Il n’y reste plus un chevalier de haut rang. » La reine répond : « Il ne les gardera pas longtemps, car je mènerai ma sœur en la terre qui lui fut donnée en douaire[3]. — Par saint Hilaire, » reprit Oudin, « si elle prend mon ennemi sous sa sauvegarde, je lutterai contre elle, de toutes mes forces. — Ne dites pas cela, frère ! » répondit la reine. Alors Pépin, son fils aîné, prit la parole ; c’était un damoiseau de quinze ans, de bonne mine, sage, courtois, plein de libéralité : « Celui qui veut faire honte à ma dame, à ma mère, n’a qu’à se tenir en garde contre moi, lui et sa demeure ! » L’empereur, l’entendant ainsi parler, garde le silence.

562. Au roi sont venus comtes et comtors. Avant que Girart rentre en sa terre, ils lui feront, disent-ils, voir la

  1. L’auteur semble oublier que le mariage de la reine Elissent remonte à plus de trente ans. En effet, l’accord conclu à la suite de la bataille de Vaubeton a duré cinq ans (§ 199) ; la seconde guerre dure aussi cinq ans (§ 416) ; enfin Girart a été banni pendant vingt-deux ans (§ 334).
  2. Son père était ce Bégon (§ 551) qui avait quitté Charles (§ 352).
  3. On ne voit pas le rapport de cette réponse avec les paroles qui précèdent. Le texte est ici peu sûr.