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girart de roussillon

552. Il ne laissa dans la chambre que quatre personnes, lui compris[1]. Il prit à part la reine et Girart : « Tous les ennemis de Girart se mettent ensemble, et le roi écoute les plus malveillants d’entre eux. Si vous ne prenez conseil, si vous n’agissez prudemment, ils chercheront querelle à Aupais à cause du duc Fouque, et l’assiègeront avant qu’il soit peu. » La reine répond : « Puisse Dieu les[2] en garder et me donner les moyens de les protéger ! »

553. Girart eut grand’peur lorsqu’il entendit ces paroles, et la comtesse se mit à pleurer. La reine les réconforte par de bonnes paroles : « Ne vous effrayez pas, sœur, pour l’amour de Dieu. Quand le roi vous eut enlevé votre fief, il m’a donné l’oscle[3] de ma sœur : Dijon et Roussillon, le château et la tour, Châtillon, Montargon, Vaucouleurs. Je les ai si bien gardés qu’ils sont pleins de richesses. Là, du moins, vous ne rencontrerez aucun opposant. Puis je vous donnerai un cheval si vif, qu’il n’y a meilleur ni outremer, ni en deçà. En outre, j’ai avec moi un chasseur qui a été élevé chez vos parents. Il vous guidera à la brume. Moi, je vous suivrai le matin, au point du jour, menant avec moi Bertran et ma sœur. » Elle manda aussitôt le chasseur, qui s’empressa d’accourir avec les quatre fils qu’il avait eus de son épouse.

554. La reine demanda au vieux Droon[4] s’il savait aller par les bois à Roussillon. « Oui, » répondit-il, « je puis aller la nuit jusqu’à Dijon. — Or, guidez-moi ce comte : vous en serez récompensé. — D’abord je serai son homme, et aussi ces quatre jeunes gens, qui sont mes quatre fils, vaillants chevaliers. » Le comte reçut leur hommage et leur promit des dons, car, par la suite, il fit du plus pauvre un riche baron. « Ne perdons pas de temps en paroles, » dit

  1. Les trois autres étaient la reine, Girart et sa femme.
  2. Cest-à-dire Aupais et Fouque.
  3. Voy. p. 17, note 4.
  4. C’est le chasseur mentionné au § précédent.