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girart de roussillon

515. Le saint homme, lorsqu’il eut fait sa prière, se tourna vers Girart de Roussillon et s’avança appuyé sur un bâton : « D’où êtes-vous, ami ? de quel pays ? — Sire, » dit Girart, « de celui de Charles. Mon père et mon aïeul firent hommage à son père. Il me rendit Bourgogne et Avignon[1]. S’il se montra bienveillant pour moi, maintenant il est plein de rancune[2]. C’est à cause d’une dispute qui eut lieu dans sa maison et où Boson tua Thierri. De là est venu tout le mal. Charles m’a accusé du meurtre, bien que je n’y fusse pour rien. Il m’a fait une rude guerre. Je lui ai donné une telle chasse qu’il n’eût pas échangé ses éperons contre Paris[3]. En récompense, il m’a enlevé ma terre, si bien que je vais en Hongrie, auprès du roi Oton. C’est pour cette pauvre dame que je souffre. Des larrons m’ont enlevé cette nuit mes chevaux, et maintenant il nous faut aller à pied. Par Dieu ! donnez-moi conseil. » L’ermite répond : « Vous l’aurez bon, mais d’abord, cette nuit, prenez logement ici. »

516. Les voilà logés et installés jusqu’au lendemain au lever du soleil. Alors le vieillard chenu lui imposa une pénitence et lui donna des conseils propres à assurer son salut, s’il veut les suivre. Mais Girart s’arrachait les cheveux et jurait Dieu et sa puissance que jamais il ne se laisserait raser ni couper les cheveux jusqu’à tant qu’il eût recouvré sa terre et fût redevenu duc de Bourgogne. Dieu ! combien longtemps il fallut observer ce serment ! Pendant vingt-deux ans le comte fut dépossédé.

517. Quand la nuit fut passée, au lever du jour, le saint

  1. Ce récit est bien écourté, et, sans l’accord des deux mss., on croirait qu’il y a quelque lacune.
  2. Le texte identique des deux mss. donne : « S’il eut bon cœur envers moi, et moi je l’eus, (ou je l’ai) mauvais »  ; ce qui ne s’accorde pas avec ce qui suit ; je corrige er l’a felon au lieu de e eu felon.
  3. Cf § 455.