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girart de roussillon

allait mal pour lui, quand il vit les Français avoir le dessus, et le roi avec eux, quand il se vit blessé, perdant son sang[1], tandis que les siens fuyaient de çà et de là, il se tint pour perdu. Fouque le prit par le frein et l’entraîna plein de douleur, disant à Gilbert et à Boson : « Tirez-vous par ici ! » Si le comte est affligé, le roi est dans la joie.

495. Or s’en va Girart au galop, avec Gilbert, Boson, Fouque, fuyant par une route en plaine. Ils se seraient dégagés sans obstacle, ces barons, quand voici au-devant d’eux le comte Hugues, Pierre de Mont-Rabei et le vieil Aimon. Hugues atteignit le comte Boson : il le frappa à découvert, sous le bouclier et lui mit dans le corps sa lance avec la banderolle. En même temps ses compagnons le frappèrent et Boson fut jeté mort sur le sable[2]. Gilbert et Fouque prirent vengeance de leur frère, et tuèrent sur la place le comte Hugues. Les gens du roi Charles survinrent en grand nombre et les enveloppèrent de toutes parts. Ils tuèrent Gilbert et prirent Fouque. Tous le voulaient tuer, hormis Pierre qui l’emmena au roi pour le protéger. Girart s’échappa à force d’éperon. Dieu ! comme est grande la foule qui se précipite à sa poursuite ! Ils lui ont coupé la route de Dijon ; mais, pendant la nuit, il s’est réfugié à Besançon.

Cependant le roi descendit dans le pré, sous Roussillon. Là on lui présenta tant de riches prisonniers ! Il jura Dieu le roi, du ciel, que le lendemain il ferait pendre Fouque à Montargon. « Par mon chef ! » dit Pierre, « vous n’en ferez rien. Quand vous avez pris en bataille un si riche baron, comment pouvez-vous menacer de le pendre comme un larron ? Mais, si vous ne voulez recevoir sa rançon, vous pouvez bien le faire mettre en votre prison. — Par mon chef ! » dit Charles, « c’est ce que je veux faire, et jamais plus il ne chassera l’éperon ! »

  1. Voy. la fin du § 491.
  2. C’est la vengeance du meurtre de Thierri que nous avons vu annoncer plus haut, §§ 204, 211, 212.