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girart de roussillon

de Vienne, Guillaume et Rainaut de Mâcon ; Boson, Fouque et Seguin[1] viennent ensuite. Ils s’avancent en rangs serrés, portant droites les enseignes garnies d’orfrois. Qui maintenant, au moment du combat, demanderait qu’on fît la paix, serait à bon droit tué ou jeté en prison.

324. Le comte Girart chevauche au premier rang. Il portait un haubert jaseran[2], un heaume écartelé. Le safre[3] resplendit au loin à cause de la pureté de l’or. Il avait ceint l’épée que lui donna Didier[4] : on ne la paierait pas avec un empire. Il portait un écu neuf écartelé. Son gonfanon était blanc, large et traînant. Son cheval était un bai rapide à la course. Il vint se placer au-devant de son ost, comme un bon guerrier. Il rencontra un damoiseau appelé Ratier[5] : c’était un des porte-gonfanon de Charles. Girart, le voyant, l’attaqua vivement, lui entama l’écu et le haubert et le jeta

  1. « Henri et don Guigue » paraissent déjà au § 173.
  2. Voy. p. 51, n. 1.
  3. Le safre désigne bien encore maintenant (voy. Littré) l’oxyde de cobalt, comme il a été dit ci-dessus, p. 112, n. 3, substance qui sert à produire une couleur bleue ; mais ici on ne voit pas comment le safre, si c’est une couleur, pourrait être influencé par la pureté de l’or. Le safre doit désigner ici, et en beaucoup d’autres endroits, le brillant produit par un vernissage pour lequel on employait une substance appelée « safre », et qui n’était pas nécessairement l’oxyde de cobalt. En effet, safre désigne « dans la basse Provence un sablon quartzeux, et dans la haute la terre glaise ou argile qu’on emploie comme mortier ». Chabrand et de Rochas d’Aiglun, Patois des Alpes Cottiennes, p. 184 ; cf. Littré, Dictionnaire, Supplément, p. 304, safre 3. Mais d’autre part, et c’est probablement là qu’est la vraie explication, en esp. zafre est un oxyde de bismuth donnant une coloration jaune, et on a rapproché ce mot de l’arabe sofra, couleur jaune, voy. à la suite du supplément de M. Littré, le Dict. étym. des mots d’origine orientale, sous safre. Il serait donc possible que le safre désignât dans nos anciens poëmes une couleur jaune ou dorée.
  4. Nous l’avons déjà vue, cette épée, au côté de Pierre de Mont-Rabei, § 246.
  5. Garnier, P. (v. 4370).