Page:Meyer - Girart de Roussillon, 1884.djvu/413

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
159
girart de roussillon

nemis se rencontrèrent sous Mont-Amele. Entre Girart et Charles grande fut la haine, dont moururent en ce jour tant de bons chevaliers, et tant de belles dames perdirent leurs maris. C’est d’une fière bataille que je vous parle, dont France et Allemagne furent dépeuplées. Moûtiers, églises et crucifix en furent brûlés. Avec Charles s’assemblèrent tous ses amis. Les guerriers vêtus de fer furent bien au nombre de dix mille. Il n’y en avait aucun qui ne fût animé du désir de faire en champ de bataille le plus de mal possible à son ennemi. Mais c’est du côté de Girart que se trouvaient les plus hardis ; c’était sa mesnie, ceux qu’il avait nourris. Charles mit pied à terre en une lande ; il n’oublia pas Dieu : oncques pécheur ne pria avec tant de ferveur : « Ah ! Seigneur Dieu de gloire, » disait-il, « c’est vous que j’en prie, faites par votre merci que je sorte avec honneur de cette journée ! »

Girart, non plus, ne perdit pas la tête. Il appela Boson, Aimeri, ........[1], Gilbert et Gui : « Seigneurs, je vous

    auraient coupé la laisse 322, et se seraient ainsi trouvés plus près de leur véritable place. Mais l’erreur n’est pas accidentelle ; celui qui a fait cette addition a voulu qu’elle se plaçât entre les tirades 323 et 324, ce qu’il a indiqué en écrivant le premier des vers ajoutés, au haut du fol. 86 v°, au-dessus de la tirade 324. L’écriture de ces deux feuillets est italienne, comme celle de tout le ms., mais d’une époque beaucoup plus récente, de la fin du xive siècle, ce semble. Ce qui est notable c’est que, dans ces deux feuillets additionnels, l’ordre des deux tirades est interverti : 321 vient avant 320, particularité qui s’observe aussi dans le fragment de Passy (II). C’est la leçon de ce fragment que je suis de préférence pour ces deux tirades. Cette leçon est apparentée de très près à celle d’Oxf., mais plus correcte.

  1. Il y a ici dans Oxf. et II un vers, Aimon et Andefrei Gilbert et Gui, qui manque dans P. Les deux premiers de ces noms ne peuvent guère être que ceux de deux neveux de Thierri (voy. §§ 107 et 213), qui étant ennemis déclarés de Girart ne peuvent figurer ici. Je suppose donc qu’ils ont été introduits par erreur, amenés par le nom d’Aimeri qui précède, nom qui sans doute désigne ici Aimeri de Narbonne (voy. § 319), mais qui est aussi celui d’un neveu de Thierri.