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girart de roussillon

rendis au conseil du comte, et maintenant je saurai vous faire part de ses intentions[1].

300. « Quand j’eus ouï la messe, à la grâce de Dieu, je sortis du moûtier, tout dispos. Je trouvai Girart entre les siens et je dis une parole bien simple : « Comte, ne sois pas irrité, sombre, rancuneux, comme un sarrazin ou un félon juif[2]. Fais accord avec Charles, puisse Dieu t’aider ! Tu auras par droit tes terres et tous tes fiefs. — Pierre, mon seigneur me traite trop mal ! C’est lui qui me perd, par sa faute, se conduisant comme un juif. Il me le paiera, avant que vienne la neige et que soit passée la saint Remi.

301. « Pierre, le roi me traite si mal que, de propos délibéré, il me jette hors de sa fidélité[3]. C’est moi qui devrais guider son ost et porter en bataille les premiers coups[4], donner en sa chambre des conseils autorisés, comme firent mes ancêtres. Mais ses soudoyers m’ont enlevé ce privilège, les serfs flatteurs, les lâches, de sorte que je ne puis trouver en lui bienveillance. Je suis prêt à prouver par la bataille, et que personne ne repousse mon offre ! que je n’ai pas été de connivence dans le meurtre de Thierri, que Boson ne m’a rien dit, soit en allant à la cour, soit en la quittant, qui puisse entraîner pour moi forfaiture, ni autoriser le roi à m’enlever mon chasement[5].

302. « Vous l’humiliez, dit-il, vous l’insultez outre mesure ; vous le jetez d’emblée hors de votre fidélité. Sans qu’il eût aucun tort envers vous, vous lui avez fait dresser

  1. Cf., § 257.
  2. Caninieus P. (v. 3939) ; cf. p. 46, n. 2.
  3. Cf. § 272.
  4. Au moyen âge, ces batailles s’engageaient presque toujours par des combats singuliers entre les principaux personnages des deux armées (voy. ici même, § 145. C’était un honneur très recherché que d’être autorisé à engager ainsi l’action.
  5. Cf. § 269.