Page:Meyer - Girart de Roussillon, 1884.djvu/352

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
98
girart de roussillon

un accord si désavantageux[1], sur le champ même où j’ai éprouvé une telle perte ! Mais avant [que j’y consente], l’un de nous s’en retournera plein de honte ! »

174. Or parle Tibert après Garnier, en baron qui cherche la paix ; il s’abstient de toute parole orgueilleuse ou blessante : « Girart, prends conseil avec les tiens. Je vois ici Fouque, ton conseiller, Landri et Henri et don Auchier. Hé ! francs chevaliers, inspirez -lui de bons sentiments envers le roi, car si le tort reste de votre côté, à nous l’avantage ! — Il faut prendre conseil, » dit Landri. « Là-bas sur la rive, au pied d’un arbre, gît blessé depuis hier le comte Odilon. Onques ne vis-je baron si entendu, si sage, si preux, si bon guerrier. Comte, va lui demander conseil, et ce qu’il te dira fais-le volontiers. »

175. Girart va demander conseil à Odilon : avec soi il mena Gilbert et don Fouque, Landri et Henri et don Guigue. En bas, sur la rive, en un champ, gît Odilon sur un paile de ciclaton ; il prie qu’on lui donne l’ordre de saint Benoît[2], lorsque viennent ses fils et les barons, et Girart qui s’agenouille et lui dit : « Oncle, je te requiers conseil, donne-le-moi bon, et tel qu’il ne m’apporte point honte ni déshonneur. Charles me propose accord et pardon : il m’a envoyé Tibert de Vaubeton, et mon cousin Garnier le fils Aimon. — Beau neveu, j’en rends grâces à Dieu : c’est une bonne parole, et sans reproche puisque Charles en a eu la première pensée. Accorde-toi de bonne grâce, sans débat. — Moi ! comment aimerais-je un roi aussi félon, quand il a pour conseiller Thierri qui m’a tué mon père, le duc Dro-

  1. Remarquons pourtant que les messagers de Charles n’ont indiqué aucune condition.
  2. On sait combien était fréquent l’usage de revêtir l’habit monastique au moment de la mort. Sainte-Palaye a recueilli à cet égard divers témoignages dans ses Mémoires sur l’ancienne chevalerie, note 12 de la cinquième partie (édit. Nodier, I, 385-6).