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girart de roussillon

vous auriez vu la terre jonchée d’écus bombés, de blancs hauberts, de heaumes ornés d’or resplendissant, de cristaux et d’améthistes, un tel enchevêtrement de lances avec les gonfanons ! Le champ de bataille était couvert et sanglant des guerriers morts étendus par les prés fleuris. Boson, Fouque, Girart reformèrent leurs compagnies, lorsqu’il fit jour.

170[1]. L’un des premiers parla[2], plein de colère, David, frère de Helluin qui tenait le Ponthieu ; il était comte de Valençon [3] et de Vautriz[4] : « Ha ! roi séparé de Dieu, comme tu es plein de malédiction ! Par ton orgueil tu nous a réduits à l’état de serfs, et toi-même tu t’es ruiné et tu nous as trahis. Girart le comte n’est pas encore en fuite : avant qu’il soit vaincu et déconfit, plus de monde encore périra, j’en suis assuré. Vous avez laissé tant des vôtres sur le champ de bataille que jamais le deuil de leur perte ne s’effacera. J’y ai perdu mon frère[5] et mes deux fils : les voilà morts sous Cauiz[6] ; et, pour ma part, j’ai dans le corps deux pointes dont aucun médecin ne saurait me guérir. Et pourtant, si je ne craignais d’être raillé, je serais d’avis qu’on demandât un accord au nom de l’âme des barons qui ont succombé. » Au conseil proposé par lui, cent des meilleurs barons furent réunis.

171. Le premier qui prit la parole fut Galeran de Senlis : Roi, puisque c’est toi qui es cause de tant de douleurs, de pertes, de lamentations, crois en tes barons, tes amis jurés : qu’un accord soit fait avec le comte [Girart]. » Et

  1. Les §§ 169, 170 et 171 ne forment par la rime, qu’une seule tirade, que je coupe en trois, me conformant aux divisions marquées dans les mss. par l’emploi de grandes capitales.
  2. Dans l’armée de Charles.
  3. Il y a un lieu du nom de Valençon, dans le Pas-de-Calais, com. de Preures, arr. de Montreuil-sur-mer.
  4. Voltriz P. (v. 2261).
  5. Helluin de Ponthieu, voy. § 161.
  6. Leçon d’O. L. ; ce nom paraît déjà au § 113 ; P. (v. 2270) causitz.